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 Don't let me Down || Mikkel ♥

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Lazlo J. Andersen
ANIMAL I HAVE BECOME

Lazlo J. Andersen
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MessageSujet: Don't let me Down || Mikkel ♥   Don't let me Down || Mikkel ♥ EmptyJeu 15 Mar - 2:00





 
 
Mikkel et Lazlo
featuring

  C'est étrange comme sensation. Celle d'être dans son corps, mais de le partager avec une toute autre âme. Comme une petite voix plus spontanée, plus instinctive, qui sonnerait constamment sous son crâne. C'était cette impression qu'expérimentait Lazlo depuis sa transformation en métamorphe. Chacun de ses pas était peuplé de cette conscience supplémentaire, une expérience accrue de tout son environnement, qui lui dictait quelques fois ou non un tout autre type d'approche que ce qu'il aurait fait d'ordinaire. Une présence constante, quoi qu'il fasse, plus intime, plus intrusive, que celle qu'il avait déjà avec Dita. L'Oiselle lui était extérieure. La colombe Luzon qui sommeillait dans son sang, elle, était intérieure.
Une part de lui, entière et indépendante en même temps. L'apprivoiser était délicat, chaque transformation depuis la toute première devenant progressivement plus supportable. Comme quoi on s'habitue à tout. Même à l'impression atroce de sentir tous ses os se briser un à un le temps que la bête prenne le dessus. Pour autant, Lazlo n'aurait échangé ce cadeau pour rien au monde. En lui offrant une seconde chance, Maisy lui avait aussi donné un tout nouvel éventail de sensations. Le monde s'était ouvert en grand devant lui, sous ses sens aiguisés, et l'Oiseleur s'y plongeait avec une délectation sans pareille. La sensation de voler au-dessus des airs, la capacité d'entendre des sons qu'il n'aurait jamais réussi à capter auparavant, son odorat qui s'était déployé en même temps que son goût. Les parfums qu'il tenait pour acquis s'étaient enrichis, son toucher provoquait un fourmillement de sensations à chaque fois qu'il l'employait. Une toute nouvelle condition qui n'avait que des avantages, en réalité. Qui le guidait, l'épaulait, le comblait bien plus qu'il ne l'aurait espéré.

Les mois avaient passé, brassant avec eux leur charge de joies et de peines. Le temps restait impassible aux vicissitudes humaines, laissant la ruche qu'était la Nouvelle Orléans bourdonner avec bien plus d'intensité. La pénurie de nourriture semblait s'être apaisée, mais avec cette accalmie était venue une toute autre forme de tempête. La Résistance allait frapper, et en grand. Une promesse faite par cette sombre silhouette du nom de Hide, bien planqué derrière son écran alors qu'il rassemblait les Résistants sous sa coupe. Une période chargée pour toute la Nouvelle Orléans s'il en était. Car un vent d'orage menaçait de frapper la ville. L'émulsion était palpable dans les rangs de la Résistance, dans les messages charriés par les journaux, les radios, ou même les murmures constants dans les bas-fonds. Un coup sans pareille.
Pour autant, la petite voix de la colombe résonnait en choeur avec ses pensées. Hide ne lui disait rien qui vaille. L'homme n'avait jamais révélé son visage à qui que ce soit, et même si Cassidy assurait entretenir des relations professionnelles avec le hacker, Lazlo n'était pas certain de lui faire confiance. Ses méthodes ne semblaient coller avec l'agissement d'aucun des militants qu'il connaissait, lui compris. Une méthode fourbe, insidieuse, qui risquait de causer plus de tort qu'apporter de réelles solutions.
Mais ils devaient attendre. Attendre et voir avant qu'ils aient le signal, telles étaient les consignes de Hide.
Alors ils attendraient.

Les opérations s'étaient enchaînées, mais à présent, elles étaient suspendues. S'il n'était pas bien partisan des périodes trop calmes, Lazlo avait fini par en prendre son parti. Avoir plus de temps, ne pas risquer sa vie, lui permettrait de se concentrer sur ce qui comptait le plus : Mikkel. Depuis Octobre, ils s'étaient revus, de façon sporadique et décousue. Pour autant quelque chose avait changé. Une toute petite étincelle, un léger courant électrique qui flottait dans l'air à chaque fois qu'ils partageaient le même espace. Un petit soupçon de rien qui l'attirait comme un papillon par des phares. Qui lui donnait envie de croire à l'éventualité d'un soupçon de plus dans une relation déjà indéfinie, et qui lui était pourtant si douce. Si douce qu'elle le transformait, elle aussi.
Une transformation subtile. A peine visible. Et pourtant bien réelle. Car le sourire qui étirait ses traits, quand il repensait à ces instants fugaces alors qu'il observait ses oiseaux fendre les airs en formation groupée, lui, était bien nouveau.

Griffonner quelques mots sur un morceau de papier pour inviter le Brun de la Discorde au Château Andersen avait été naturel. Spontané. Dita la Blanche avait levé son bec, l'air étrangement humain et très circonspect, en les regardant, lui, sa fébrilité et ses joues rosies. Confiant le message à sa plus fidèle alliée, Lazlo la laissa étendre ses ailes pour chercher son destinataire. L'envie de le revoir creusait le manque provoqué par son absence. L'envie de retrouver son sourire plein de dents, ses haussements de sourcils effrontés, de se repaître dans la richesse de l'odeur au creux de son cou devenait par moments trop intenses. Une explosion programmée qui ne pouvait se résoudre qu'avec la présence de Mikkel. Pour quoi faire ? il n'en savait trop rien. Peut-être juste discuter.
Ou parler de cette étrange sensation qui creusait son ventre depuis la journée fatidique qui l'avait entièrement changé. Tout s'était précipité, lorsque la bombe avait éclaté. Les cris, le chaos et la douleur avaient creusé un sillon entre eux, tout en les rapprochant prodigieusement. Mais il ne s'y retrouvait plus, tous ces mois après. Il avait besoin de savoir ce qu'il s'était réellement passé, pourquoi Mikkel s'était pointé dans ce fichu restaurant, s'il avait rêvé certains des événements ou s'ils étaient bien concrets.
Si cette électricité qu'il sentait jusqu'au bout de ses doigts, à chaque fois que leurs regards se croisaient, n'était qu'un fragment de son imagination ou si elle était bien réelle.
S'il pouvait espérer ou s'il devait se résigner.

Dita partie, il resta sur le toit. L'accalmie ne signifiait pas l'oisiveté. Le Gouvernement, Liam Wiggins nommément, lui avait passé commande pour quelques oiseaux supplémentaires. Et si Lazlo n'était pas satisfait d'avoir ce type de clients, il ne pouvait pas leur refuser ce type de service. Faute d'action à lancer avec la Résistance, il devait trouver une autre solution pour mettre du beurre dans les épinards. Et s'il avait sacrifié une bonne majorité de ses pensionnaires à la pénurie, les revendant à des bouchers des bas fonds pour aider à nourrir les plus démunis, les reproducteurs qu'il avait gardés avaient bien travaillé. La nouvelle couvée n'était pas encore tout à fait rodée au vol en solitaire, mais s'avérait prometteuse. Nombreuse et disciplinée. Il satisferait la commande dans les temps, avec des oiseaux de qualité, et en tirerait une somme rondelette qui n'était pas négligeable. Wiggins payait toujours rubis sur l'ongle.
Remontant sur le toit, il ouvrit la cage et siffla entre ses doigts. Les jeunes oiseaux s'échappèrent pèle-mêle dans un brouhaha de plumes froissées et de roucoulements extatiques, s'enfuyant pour se percher sur les becs de cheminées et les recoins de la toiture. Un aîné particulièrement dressé au bout des doigts, l'Oiseleur siffla une nouvelle fois avant de relâcher le pigeon de tête. Et s'assit, les laissant s'organiser comme ils le pouvaient, imitant les plus vieux, dans une formation serrée qui manquait d'élégance. Ca viendrait.

Lazlo s'assit sous le préau bricolé de la Volière, suivant les oiseaux du regard. L'envie de les rejoindre, de fendre la bise à son tour lui picotait prodigieusement les doigts. A mesure qu'il s'habituait à la voix de la colombe, il avait appris à les dissocier tous autant qu'ils étaient. Chacun portait son nom dans son odeur, chacun avait sa voix et sa façon de parler. Avec ça, la sensation de mieux les comprendre. Et d'encore plus aimer ce qu'il faisait.
Peut-être qu'un jour, il pourrait les rejoindre à son tour. Les accompagner dans la liberté, de jour, libéré des chaînes de son humanité. Une sensation toute aussi grisante que l'amour, la liberté.

Tout à ses pensées et son entraînement, il ne vit pas les heures passer. Dita n'était pas revenue, mais Lazlo savait qu'elle avait dû accomplir son boulot comme une vraie pro. Probablement était-elle partie faire le tour de la ville, comme à son habitude. Claquant des doigts, il siffla une nouvelle fois, brièvement, pour pousser ses oiseaux à changer brusquement de sens. Leur organisation s'était ramassée, à mesure du vol. La nuée était élégante, organisée, sous ses yeux. Réactive, aussi. Deux sifflements rapides. Une pirouette, un vol plané et un redressement approximatif pour les plus jeunes. Et l'Oiseleur qui éclata de rire, porté par la simplicité de tout ce qui était en train de se produire.
Pour peu, on aurait cru que l'Apocalypse n'était jamais arrivée.

Ses oreilles, plus fines, captèrent du bruit dans l'escalier métallique qui desservait tous les étages. Quelqu'un approchait, aussi se retourna-t-il, prêt à accueillir son client pour peu que c'en soit un. Mais ce n'était pas un client, c'était bien mieux que ça. Le sourire de Lazlo s'élargit en apercevant avec plaisir que Mikkel avait répondu à son invitation.

-Tu viens assister au décollage, co-pilote ?

Une autre forme de décollage que celles auxquelles ils s'étaient mutuellement habitués. Coulant un clin d'oeil dans la direction de Mikkel, il s'arracha à contrecoeur à sa vision pour reporter son attention sur ses oiseaux. Glissa son pouce et son index entre ses lèvres charnues pour les siffler puissamment, le signal de la fin de l'exercice. Répondant à l'appel, les pigeons piquèrent vers la Volière, fondirent, joueurs, sur leur maître. L'effleurèrent à peine du bout de leurs plumes alors qu'ils le dépassaient pour rejoindre le perchoir ouvert qui menait à la volière, et s'y amasser pour entrer. Hilare, l'Oiseleur les observa faire avant de glisser un regard pétillant à son invité.

-Ils sont pas encore prêts pour les étoiles. Par contre la gamelle, ça, ils la retrouveraient les yeux fermés !

Poussant fermement les derniers derrières emplumés qui n'avaient pas passé le seuil du perchoir, il referma posément la trappe pour éviter que les bêtes s'enfuient. S'étira vaguement avant de rejoindre la petite baraque d'entretien du toit, où il stockait ses plants et ses réserves de graines.

-J'ai besoin de tes gros bras virils et musclés, ou d'un miracle, Saint Mikkel, faut qu'on multiplie le grain pour nos ouailles.

Il n'avait pas prévu de le faire bosser dès son arrivée. D'autant que depuis sa transformation, Lazlo n'avait eu de cesse de constater qu'il avait gagné une quantité de force non négligeable. Mais exploiter le Brun de la Discorde n'était pas si désagréable. Ca permettait de ne pas avoir à aborder tout de suite les sujets qui fâchent, ceux qui font peur, et ceux qui sont chelous. Prolonger encore un peu l'accalmie avant que ne sourde l'orage.
S'emparant du sac de grain d'un côté, il laissa Mikkel imiter son mouvement avant d'emporter leur cargaison jusqu'à la volière. Un foisonnement de roucoulements bruyants, excités, les accueillit alors qu'ils franchissaient la porte à taille humaine. Ouvrant le sac, Lazlo laissa une bonne quantité de grain se déverser dans la mangeoire avant d'inviter Mikkel à reculer. Une nuée de plumes, de becs, de serres envahit brutalement l'espace. Ventre qui crie famine n'a pas d'yeux. Ou de pitié.

Refermant la porte derrière lui, Lazlo ne put s'empêcher un nouvel éclat de rire spontané. Avant que son regard ne s'arrête sur un élément incongru qui n'avait pas sa place sur Mikkel.

-T'as des plumes plein les cheveux, attends...

Levant ses doigts vers le visage de son amant, il l'épouilla de ses nouveaux attributs duveteux, enlevant quelques plumes qui s'étaient perdues dans ses cheveux pendant la bataille. Ce qui était paradoxal, considérant qu'il en était probablement recouvert lui aussi. Mais eh, c'était lui l'éleveur.
Ses doigts s'attardèrent entre les mèches brunes, finirent par glisser pour effleurer sa mâchoire avant de rejoindre les poches de son sarouel. C'étaient ces moments là qui faisaient battre son coeur avec tant de violence. Des moments si simple, si éloignés de la violence du monde extérieur. Des moments où l'envie de l'embrasser supplantait le reste de ses pensées, l'expression de Mikkel étant si douce qu'elle chassait les ténèbres.
Douce comme le plaisir de s'envoler.

-Je t'ai pas dérangé au boulot au moins ? J'sais pas du tout quelle heure il est !

Mikkel avait de vrais horaires. Il avait un vrai boulot. Et si l'Oiseleur pouvait qualifier son activité de travail, la notion du temps était toute différente. Tout autant que celle de plaisir dans ce qu'on fait. Fronçant les sourcils, incertain, il ajouta à demi-voix :

-Non parce que si t'as besoin j'envoie un pigeon là-bas avec un mot d'excuse, hein. J'veux pas que tu sois dans la merde.

Il avait vu le soleil décroître dans le ciel, pendant la volée de ses oiseaux. Avec un peu de chance il avait eu le nez creux, et il n'y aurait pas de mal. Aussi espéra-t-il que son intuition ait été bonne, qu'il n'ait pas arraché le Brun de la Discorde à une tâche importante, voire même vitale.
Ressentant les picotements de cette électricité étrange au bout de ses doigts, il finit par les ressortir de ses poches pour attraper les mains du brun dans les siennes. Le contact, sous ses nouveaux sens, était grisant. L'emportait bien plus loin que les étoiles.

-Non parce qu'il y a pas d'urgence en soit, j'avais juste envie de te voir.

C'était drôle comme le mot "envie" pouvait être aussi proche que "besoin". Un besoin vital qui s'était apaisé au moment même où il avait croisé les iris métalliques du Russe. Comme à chaque fois, et pourtant, il ne s'en lasserait probablement jamais.
Non, il ne s'en lasserait jamais.  
 


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MessageSujet: Re: Don't let me Down || Mikkel ♥   Don't let me Down || Mikkel ♥ EmptyJeu 22 Mar - 16:45


« I think I'm losing my mind now
It's in my head, darling I hope »



 
 
Mikkel et Lazlo
featuring

Des blessés, des corps sanglants, des morts. Ils s’alignaient devant moi, soir après soir, sur les civières que je transportais. Bosser en horaire de nuit à l'hôpital n'était pas une mince affaire et pourtant, je ne regrettais pas d'avoir accepté cette période de travail, depuis ces dernières semaines. Peut-être que j'étais plus à l'aise d'évoluer la nuit et de profiter de ma vision nocturne grâce à mon instinct animal, peut-être que c'était le chacal qui me poussait à préférer les heures sombres. Peut-être aussi que l'excès de boulot m'accablait un peu trop, ces derniers temps. Comment réussir à se lever à l'aube, frais comme un gardon, lorsqu'on était obligé de dormir en plein milieu du salon, avec toutes les allées et venues familiales ? Ça revenait à essayer de se reposer dans un hall de gare. Non pas que les Ievseï le fassent exprès, mais l'appart restait quand même plutôt minuscule pour quatre personnes et je ne comptais plus les fois où on avait manqué de me marcher dessus pour éteindre la lampe ou ramasser la moindre bricole sur l'étagère. Vu les heures que j’enchaînais pour tenter vaille que vaille de passer de simple brancardier à aide-soignant, j'en avais attrapé des cernes de panda. Mon grand couillon de frangin avait fini par compatir à mon triste sort et ainsi, il me prêtait sa chambre la journée, le temps que je puisse récupérer mon sommeil de retard. Seul dans l'appartement, les rideaux tirés pour bloquer la lumière du jour, je n'aurais pas pu être plus au calme pour dormir profondément.

Ce matin là, j'avais hâte de pouvoir plonger dans le lit de Colin et m'offrir un repos bien mérité. Tout en savourant des sardines au ketchup en guise de dîner/p'tit dej, je contemplais d'un œil éteint l'effervescence matinale pendant que tout le monde se préparait pour sortir en se bousculant un peu pour le passage dans la salle de bain. J'étais trop heureux d'échapper à ça. Devoir batailler avec Lizzie pour gagner de précieuses minutes supplémentaires devant le miroir était devenu une véritable épreuve et je ne me privai pas d'offrir un regard lourd de sous-entendu à mon paternel. Ah ! Il le voyait bien maintenant, que c'était elle qui bloquait tout le monde et que moi, j'étais l'innocence personnifiée !
« Mikkel, pourquoi y'a plein de poils de chien dans la douche ?
Hmpprrfff. »
Roman m'avait épargné de répondre à ma sœur en changeant radicalement de sujet. Certes, je me voyais mal expliquer la manière dont je m’entraînais à me métamorphoser en chacal en dehors de la pleine lune, même si j'étais plutôt content des résultats ces derniers temps. Andreï m'avait filé de bons conseils pour maîtriser mes pouvoirs et j'y arrivais beaucoup mieux, en tous cas quand j'étais seul et sans aucune source de déconcentration, parce que sous l'effet du stress forcément, c'était pas pareil. Toujours est-il que quelques minutes plus tard, j'avais l'appart pour moi tout seul, avec mon assiette vide et le courrier du matin qui s'éparpillait devant moi sur la table basse. J'y jetai un bref coup d’œil, m'attendant à ne dénicher que des factures, quand soudain, une enveloppe à mon nom attira mon attention.
Mikkel Ievseï. Privé.

Une foutue lettre pour moi.
Je l'avais lue et relue jusqu'à en avoir mal aux yeux, jusqu'à ce que la nausée me soulève le cœur. Je l'avais chiffonnée, boulottée et balancée dans la poubelle, avant d'aller la récupérer pour la lisser et la relire encore. Une signature en bas de la page annonçait l'expéditeur : Hide. On le connaissait tous, cet homme masqué, pour avoir vu ses apparitions sur l'écran de télé et avoir entendu ses messages parasites qui interrompaient brutalement les programmes habituels. Il avait l'air d'en connaître un brin sur tout le monde et d'avoir le bras long. Et ce mec là me demandait à moi de participer à une mission secrète pour la résistance, en me rendant dans un obscure asile désaffecté trois jours plus tard. Je sais ce que tu as fait avec cet homme, Ievseï, et j'ai des preuves. Ne me déçois pas, sinon...Ses menaces étaient claires, c'était rien de moins que du chantage, même si je ne savais pas au juste quel secret il détenait sur moi et menaçait de révéler au grand jour. Alors j'avais enfoncé cette maudite lettre dans le fond d'une de mes bottes avant d'aller me jeter dans le plumard de Colin et rabattre la couette par dessus ma tête.

Je dormais. Je flottais dans un autre univers, en apesanteur dans le brouillard des rêves où les souvenirs affluaient, plus vrais que nature. Je sais ce que tu as fait avec cet homme, Ievseï. Le visage de Lazlo était livide et ses yeux d'un bleu si pur était voilés par une douleur qu'il se retenait d'exprimer. Agenouillé près de lui, je ne retenais pas mes larmes pendant que la sorcière œuvrait sur son corps supplicié. « Tu lui fait mal, putain, Maisy, arrête, mais arrête ça ! » Mais elle n'arrêtait pas. Et je criais, je hurlais même, essayant d'empêcher l’inéluctable, désespéré à l'idée d'être incapable d'y faire quoique ce soit pendant que les os de Lazlo craquaient et que son corps se tordait. J'avais été si épouvanté qu'elle pose ses mains sur lui, non pas pour le soigner mais pour lui infliger une malédiction si horrible que ça me tétanisait. Le cauchemar semblait s'étirer dans un temps infini, je me débattais dans mon sommeil, me retournant frénétiquement, tandis que je voyais l'ombre gigantesque d'un homme au masque grimaçant qui se penchait sur Lazlo.

Monsieur Hide était là et il ricanait comme un véritable diable pendant qu'il accrochait des fils aux poignets, aux chevilles et à la taille de Lazlo, toujours inconscient sur son lit de douleur. Glacé par la panique, je ne parvenais pas à l'atteindre, même si je tendais les bras, pendant que le chef de la Résistance transformait le blond en marionnette humaine, toute flasque. Sa tête penchait mollement sur le coté, ses longs cheveux dissimulant son visage. J'avais la sensation de nager dans de la glus pendant que je me rapprochais de lui avec difficulté pour le rejoindre enfin, dans un sanglot étouffé. D'une main tremblante, j'effleurai ses cheveux qui se transformèrent sous mes paumes pour devenir des plumes. Un bec fin émergea de son visage et sous le choc de cette vision, je sursautai violemment, dans un hurlement.

« Oups... désolé, j'voulais pas te réveiller. »
« Hein ? Non, je... non, c'est bon, j'dormais déjà plus... »
« Bah si, même que tu rêvais tout haut. »
Sur un haussement d'épaules, Colin replongea dans son armoire tranquillou pendant que je le dévisageai, le coeur battant.
« Genre. J'ai dit quoi ? »
Esquissant une légère moue, je déglutis avant de me redresser hors du lit et masser ma nuque trop raide tandis que mon frangin ramassait sereinement ses gros bouquins d'intello. Je ne l'avais même pas entendu rentrer dans la chambre, ce p'tit con mais ce n'était pas la première fois que lui ou Lizzie se foutait de moi parce que je parlais en dormant. Merde.
« C'était pas en russe ce coup-ci, c'était du style : "pardon, j'suis désolé", des trucs comme ça. Tiens et sinon, y'a un pigeon dans le salon et j'arrive pas à le faire sortir. Il est sacrément envahissant ce volatile, c'est marrant. »
L'avantage avec Colin, c'était qu'il ne posait jamais de questions. Autant dire qu'avec des mecs comme lui, les amateurs de ragots étaient foutus. Dans un bougonnement renfrogné je soupirai un peu avant de tilter à ses paroles.
« Hé ben... j'm'en rappelle pas. Hum. Mais euh... quoi, un pigeon ? »

*

Quelques temps plus tard, je grimpais les marches d'un escalier métallique, le message de Dita plié dans ma poche. J'avais jamais compris exactement comment le petit cerveau de cette colombe fonctionnait mais elle était sacrément intelligente pour un volatile et ça m'avait toujours paru bizarre. Le fait qu'elle soit toujours collée à Lazlo m'agaçait un peu mais il fallait reconnaître sa qualité : elle parvenait toujours à me transmettre les pensées de mon ami en un temps record. Ainsi, fraîchement douché, j'avais pu filer jusqu'au Treme pour rejoindre la volière où je débarquai, sous les dernières lueurs du jour déclinant. Un plus plus loin, sur le toit, j'aperçus l'Oiseleur en train de s'occuper de ses petits pensionnaires et quand il se retourna, un sourire spontané affleura sur ma face. Ça me procurait toujours la même bouffée de soulagement et de joie de le voir bien vivant devant moi alors que par deux fois, j'avais cru en sa mort. Après cette terrible explosion où il avait manqué de perdre la vie par ma faute, les images des jeux télévisés m'étaient revenues par vagues dans mes pires cauchemars. Face à mon écran, je n'avais rien pu faire, mais lorsque j'avais soutenu son corps ensanglanté dans les rues, terrorisé à l'idée de tomber sur une patrouille de la milice, je m'étais senti encore plus désespéré. Parce que ce n'était pas une illusion qui l'avait blessé cette fois, c'était moi... c'était bien moi.

« C'est toujours un plaisir de te voir aux commandes, major-chef. »

Ma voix me parut trop rauque et je me raclai la gorge avant de me rapprocher avec une nonchalance de façade, redressant un regard distrait vers les oiseaux. A l'appel de leur capitaine, l'armée de l'air fusa vers lui et je fronçai les sourcils avec curiosité en les voyant rentrer dare-dare dans leur volière, dans un bruissement de plumes, avec une rapidité stupéfiante. Le front plissé dans une expression admirative, je retrouvai le regard joyeux de Lazlo, un regard rempli de cet enthousiasme pur qui irradiait toujours de lui quand il s'occupait de ses volatiles. « Ils t'obéissent au doigt et à l’œil, c'est ouf ! Même si c'est l'appel du ventre, c'est sacrément impressionnant. » Dans un sourire vers lui, je rejoignis la volière, tapotant doucement le grillage pour taquiner les pigeons. Lazlo s'était éloigné et je tournai la tête vers lui quand il m'interpella, un sourire enjôleur s'allumant sur mes traits. « Qu'est ce que tu ferais sans mes gros bras miraculeux hein ? Nan mais j'te jure. » J'inclinai la tête dans un soupir faussement blasé avant de me dépêcher de lui prêter main forte jusqu'à ce que la mangeoire soit pleine à raz bord et que les petits affamés s'y précipitent. Dans un juron russe sous l'attaque, je me dérobai vivement de la nuée de volatiles pendant que Lazlo se marrait.

« C'est quoi cette voracité ? J'ai cru qu'ils allaient me bouffer avec ! » Tout en renvoyant un regard farouche sur les pigeons en train de dévorer leurs graines, je maugréai entre mes dents à l'adresse d'un énorme oiseau aux plumes bleutées et je tapotai à nouveau contre le grillage, d'un ton sévère. « Hé là, gros plein de soupe, laisses-en pour les autres... »    Mais Lazlo s'était déjà rapproché de moi et je surpris son regard, cillant légèrement pendant qu'il me retirait des trucs des cheveux. « Sans déconner, Laz, j'sais pas si tu donnes toujours à tes pigeons les prénoms de tes mecs mais ce gros là, j'parie que c'est Machin-Bidule, t'sais, le proprio du gilet beaucoup trop large que tu portais tout l'temps avant. Ouais hum. Heureusement que tu le mets plus, vu à quel point j'étais allergique à... sa poudre à laver ou whatever... » Peut-être que je parlais trop mais je ne voyais pas de manière plus subtile de découvrir s'il fréquentait encore ce type là. Ou d'autres. Simple curiosité mais... Quand il avait effleuré ma joue, je m'étais détaché du grillage, retrouvant instantanément plus de douceur dans mon regard, baissé vers lui. C'était toujours un peu étrange quand il me regardait comme ça et je haussai doucement les épaules en l'écoutant avant de lui abandonner mes mains, dans un infime frissonnement. Il avait juste envie de me voir.

« Non... non t'inquiète. J'bosse de nuit en ce moment et du coup, j'ai quatre jours de récup devant moi. Ta colombe m'a trouvée en train de roupiller mais il était temps que j'me lève, le soleil est pas loin de se coucher, lui...»

Mes mains dans les siennes, je m'essayai à un léger sourire. Il risquait de se passer énormément de choses d'ici la fin de mon congé, entre autre, cette foutue mission qu'on m'imposait. Pendant quelques secondes de battement, je restai silencieux en observant son visage, m'imprégnant de ses traits, de la luminosité de ses yeux d'azur, de la fraîcheur de son sourire, des reflets dorés que les derniers rayons de soleil posaient contre ses longs cheveux. Des choses magnifiques que je n'avais tellement pas envie de perdre. J'ignorais complètement ce qui m'attendait, mais si je cédais à ce chantage, j'allais forcément m'exposer à un danger non négligeable auquel je n'étais pas du tout préparé. Si j'envisageai froidement le pire des scénarios, je risquais tout bonnement de crever. Et dans ce cas là, je disparaîtrais avec un joli tas de non-dits qui s'amassaient un peu trop lourdement au fond de mon crâne et de mon cœur.

Dans un soupir, je ployai le front pour rejoindre le sien, avant que mes lèvres n'effleurent sa tempe, dans un geste spontané. « T'oses pas le dire hein, que tu m'as appelé juste pour soulever ton sac de graines. » Je pouffai doucement à cette connerie avant de redresser un peu mon visage pour retrouver son regard. « Non mais... ça tombe bien, j'avais envie de te voir aussi.» Sur ce murmure je dégageai une de mes mains pour la porter à ses cheveux et entreprendre de retirer les quelques plumes et duvets qui s'y accrochaient.

Le cœur battant un peu plus vite, je cherchai mes mots pendant un petit instant, appliqué à ma tâche avant de dodeliner de la tête. «  En fait, j'ai besoin de te parler. J'ai des tas de trucs que je garde dans la tête depuis vachement longtemps, ça commence un peu à déborder là... » Je détenais trop de secrets pour un seul homme, je m'en étais rendu compte subitement, en essayant de réfléchir à tout ce qu'un maître chanteur pourrait bien retenir contre moi. En dehors de mes infractions, de mes délits, de mes crimes, je mentais à mon père et à toute ma famille au sujet de Laura depuis beaucoup trop longtemps. Je mentais sur ma nature, sur mes ressentis, sur ma vie entière. Je mentais à mes amis, je mentais à Lazlo... Et je me retenais d'aborder beaucoup trop de choses.

Enfin, je retrouvai le regard du sexy major, me pinçant les lèvres avant de le rassurer de ce trop plein de gravité par un vague sourire. « J'veux juste savoir si tu vas bien, depuis ta... ce que Maisy a fait. Le truc c'est que je sais un peu trop bien ce que ça fait et j'aurais du t'en parler depuis super longtemps mais voilà. On m'a fait la même chose, y'a un bout de temps, déjà. Et c'est complètement nul de ne pas te l'avoir dit, alors qu'on est amis toi et moi, je sais même pas pourquoi j'ai toujours évité de t'en parler. C'est... ça restait coincé là, au fond de ma gorge.» Comme trop de choses. A mesure que je lui parlais, je sentais des tremblements dans mes membres, comme si le simple fait d'aborder ma malédiction me procurait un stress totalement ingérable, et pourtant je me forçais à continuer sur ma lancée.

« J'voulais m'excuser pour ça, major-chef, parce que c'est quand même un foutu secret de merde et que j't'en parle que maintenant alors que t'as subi tout ça et que j'aurais dû t'aider. J'suis vraiment qu'un sale con, j'suis vraiment désolé pour ça et pour tout le reste, putain, je.. j'te jure Lazlo, j'suis tellement désolé... »

Je commençais à perdre les pédales et je fermai les yeux pour me reprendre, convaincu que j'étais juste en train de m'enfoncer et de tout foutre en l'air. Lazlo n'avait pas besoin de mes excuses de merde alors que c'était ma faute s'il avait failli mourir. Il ne m'avait jamais rien reproché parce que c'était carrément pas son genre de gueuler sur les gens et pourtant, je méritais juste qu'il m'envoie me faire foutre. La mort dans l'âme, je préférais ne plus voir ses yeux, alors que j'imaginais tout à coup ce regard glacé du terroriste qui m'avait à moitié pété le bras, ce mec qui était prêt à buter froidement tout un tas de gens mais qui avait fini par se sacrifier pour sauver ma peau... Ce mec qui m'avait entouré de ses bras pour encaisser l'explosion à ma place et m'éviter de souffrir. Alors que moi j'aurais pu me régénérer mieux que lui. Mais il ne le savait pas. Il voulait juste me protéger. « J'suis un chacal, Lazlo, c'est ça le truc, un vrai chacal. J'espère que... tu me déteste pas trop...» Mon murmure se perdit dans ma voix brisée alors que je serrais un plus fort ses doigts entre les miens, avant de les libérer enfin. Est-ce qu'il allait me frapper ? Une bonne mandale dans la gueule, voilà tout ce que je méritais.
 


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Lazlo J. Andersen
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MessageSujet: Re: Don't let me Down || Mikkel ♥   Don't let me Down || Mikkel ♥ EmptyVen 23 Mar - 2:34


Il avait eu envie de le voir. C'était aussi simple que ça, cette toute petite raison purement égoïste qu'il n'assumait qu'à moitié. Car il ne s'agissait pas seulement de lui, dans cette histoire. Il s'agissait aussi du Brun de la Discorde, avec tout ce que ça impliquait, de ses envies à son emploi du temps chaotique. S'ils avaient réussi à aménager quelques instants de flottaison, depuis les événements qui avaient précipité la transformation de Lazlo, ils n'avaient que rarement eu le temps de vraiment en profiter. Et le blond ne voulait pas peser sur les épaules de son ami. Après tout, c'était bien ce qu'ils étaient, non ? Des amis. Les amis ça compte les uns sur les autres, mais ça ne s'appesantit pas pour autant. Même si on en crève de vouloir toujours plus, de faire s'allonger les minutes, d'étirer les heures. Les amis ça n'exige pas de l'autre qu'il reste, même s'ils ont envie, cruellement envie, qu'ils ne partent jamais. Mais Lazlo ne savait plus précisément où il en était.
La remarque sur le plus gros pigeon lui arracha un sourire, alors qu'il écoutait Mikkel. Il n'avait pas tort, le plus gros de ses pensionnaires était effectivement Daniel. Un pigeon toujours aussi girond, toujours aussi costaud, qui avait extrêmement bien fait son boulot de reproducteur, ayant engendré la moitié de la nouvelle couvée à lui tout seul. Mais en ce qui concernait le fameux propriétaire de la veste, celle qui avait causé tant de tort à Mikkel, c'était différent. Pressant toujours les mains de son amant entre ses doigts, l'Oiseleur avait brièvement haussé les épaules.

-Daniel ? Oh, ça doit faire des mois que je ne les ai plus revus, lui ou sa veste. Depuis que je la lui ai rendu en lui disant d'en trouver une plus hypoallergénique. J'ai aucune idée d'où en est sa quête, tiens, tu crois que je devrais lui demander ?

Son sourire s'était illuminé de malice, l'insistance du brun réchauffant le cœur de l'Oiseleur. Mikkel ressassait constamment cette histoire de veste, l'air mi-taquin, mi-réprobateur, au point que si c'était devenu une sorte de blague entre eux, Lazlo aimait à croire qu'il y avait un fond de vérité. Qu'au fond, l'allergie de son amant n'était rien d'autre qu'une nouvelle preuve de possessivité, maladroite, drôle, mais bien réelle. Et ça, ça lui réchauffait terriblement le cœur, bien que Lazlo n'en ait jamais rien dit. Si bien qu'il avait effectivement revu Daniel, premier du nom, pour lui rendre le fameux vêtement peu de temps après cette soirée où les allergies de Mikkel s'étaient réveillées. Il n'avait certainement pas placé les choses telles qu'il venait de les dire, vis à vis du quadragénaire. Pour autant il lui avait fait comprendre qu'il avait d'autres choses en perspective. Des projets doux comme du miel qui noyaient son âme sous des vagues de tendresse, qui impliquaient un certain Brun de la Discorde. Ce n'était pas comme si Daniel ne savait pas que le coeur de l'Oiseleur était déjà pris. Sauf que, depuis cette nuit sur le toit, il ne tolérait le contact de personne d'autre que celui du jeune homme.
Comme s'il s'était passé quelque chose, réellement passé quelque chose, qui avait rendu toute autre perspective loin d'être imaginable. Et s'il n'était sûr de rien, Lazlo était certain que ça, cette connexion qui s'était faite à la faveur des étoiles, c'était le déclic qui l'avait fait plonger d'avantage.
Peut-être se trompait-il sur toute la ligne, au fond. Peut-être ne voyait-il les choses qu'au travers d'un cœur résolument aveugle. Peut-être qu'apprendre qu'il se repaissait d'illusions lui ferait terriblement mal. Mais elles étaient belles, les chimères. Elles avaient des yeux d'acier, elles avaient des lèvres qui appelaient les baisers, elles le laissaient repu tout autant qu'affamé. Et il était prêt à s'y perdre tout entier, sans concession, à chaque fois que Mikkel le regardait comme il le faisait maintenant.
Irrécupérable, il le savait. Mais la chute était douce, si douce.

La conversation se poursuivit naturellement, une réplique en amenant une autre, alors que l'Oiseleur retirait des plumes duveteuses des mèches sombres de son ami. Soulagé de ne pas l'avoir tiré hors du lit ou d'une nouvelle rotation d'horaires épineuses, Lazlo se détendit. Il l'aurait fait, le mot d'excuses, s'il avait fallu. Il aurait même pu contrefaire la signature d'un de ses éminents clients du Gouvernement, si nécessité avait fait foi. Soupirant doucement, il ferma les yeux en voyant le visage de Mikkel s'approcher du sien. Frissonna en sentant son souffle contre sa tempe, sans cesser de sourire pour autant. Il avait l'air fourbu, le Brun de la Discorde. Légèrement plus maigre qu'avant, des cernes creusant progressivement la peau fine sous ses yeux clairs. Il était pâle, bien plus pâle qu'avant. Une décrépitude progressive qu'il avait constatée malgré lui, à chaque fois qu'ils s'étaient croisés ces derniers temps. Comme si le monde rongeait progressivement cette étincelle de vie qui animait d'ordinaire son amant, sans que ce dernier ne soit capable de faire sortir tous ses tourments. Il avait eu envie de le voir, oui. Pour lui parler, pour savoir où ils en étaient. Mais surtout pour savoir s'il allait bien, s'il mangeait bien, s'il parvenait à se reposer. Lazlo avait beau être soumis à une forme de retraite forcée, il n'était pas sans savoir que la Résistance s'activait tout autour d'eux, constamment. Le réseau s'agitait dans les bas fonds, mené par cette figure masquée qu'était Hide, semant un sillon de cadavres et de blessés sur son passage. Un chaos organisé dans son désordre qui pesait lourdement sur les vivants, le personnel soignant le premier.
Se mordant la lèvre inférieure, il ne tenta pas même de refréner les battements de son cœur alors qu'il rouvrait les yeux sur le visage fatigué de son amant. Il allait tenter de négocier pour que Mikkel passe quelques jours à se reposer chez lui. Qui sait, peut-être que ça fonctionnerait.

Le Brun de la Discorde avait envie de le voir, lui aussi.
Une information qui gonfla son coeur de chaleur, pourtant qui sonnait creux. Une forme de gravité dans la voix, un soupçon trop sérieux qui avait capté les oreilles plus fines de l'Oiseleur. Fronçant des sourcils soucieux, Lazlo interrogea le regard d'acier de son amant. Attendit qu'il poursuive sur sa lancée, ne sachant que trop bien qu'interrompre Mikkel risquait de le couper net dans son élan. Un trop plein qui commençait à déborder ? La colombe battit des ailes, sèchement, dans les tréfonds de sa conscience. Un avertissement, le précurseur de cette angoisse qui montait doucement dans son système. Se passait-il quelque chose de si grave pour qu'il l'annonce comme ça ? L'envie de poser sa paume contre sa joue, de ramener son regard fuyant au sien, effleura l'Oiseleur. Mais il n'en fit rien. Pressa d'avantage les doigts entre les siens, lui assurant un soutien solide et bien présent.
Continue. Continue, je suis là. Je t'écoute.


Il ne sut pas si c'était le poids de l'annonce ou les tremblements de son amant qu'il sentait sous ses doigts qui provoqua cette réaction, mais son coeur manqua un battement. Les yeux agrandis par la stupéfaction, il n'avait rien manqué des explications de Mikkel. Rien, de son aveu à ses inquiétudes. Un frisson dévala le long de son échine, alors que la colombe claquait une nouvelle fois des ailes, tout au fond de lui. Le temps que l'information se dépose comme un voile de cendres sur l'herbe humide, qu'elle se fonde à la matière. Et qu'il finisse par placer la pièce manquante à ce puzzle tout d'interrogations qui s'était formé dans son esprit depuis des mois. Tout s'additionnait, en réalité. De cette sensation que l'odeur de Mikkel était devenu plus terreuse, plus animale, à ce tressaillement qu'il ressentait dans la colombe lorsqu'ils s'effleuraient. Mikkel était comme lui, un métamorphe lui aussi, et Lazlo n'en avait eu aucune idée. Il avait constaté des changements chez son ami, des bribes, des éclats d'informations qui étaient restés en suspens sans jamais être extrapolés. Mais tout s'expliquait, à présent. Son attitude changeante, pourquoi ils ne se voyaient jamais à la pleine lune, pourquoi il réagissait aussi vigoureusement à certaines odeurs ou certains sons. Ses doigts affirmèrent leur prise sur ceux du brun, alors que Lazlo cherchait son regard. Au fond, il avait eu des doutes que quelque chose avait changé. Mais jamais il n'avait eu tous les éléments pour le comprendre, jusqu'à maintenant.

Je suis un sale con. Je suis désolé.
Des paroles qu'il avait entendues bien trop de fois, lors de sa transformation. Le même ton, la même douleur contenue dans sa voix. La même fébrilité qui lui avait brisé le coeur, bien plus que ses membres en miettes.
Bien plus pires que tout ce qu'il s'était passé.

La voix de Mikkel, rompue par une douleur bien plus atroce que physique, alors qu'il le soutenait. Des aveux bien plus douloureux que la sensation de ne plus sentir sa jambe, de trop sentir ses poumons. La panique, il l'avait captée à moitié, alors qu'il avait sombré dans les tréfonds de l'inconscience. Mais tout ce qu'il avait entendu, c'étaient ces mots, alors qu'il s'était réveillé sur le sol du salon de Maisy. Entre deux aboiements envers la jeune sorcière pour l'intimer à être plus rapide. Je suis désolé. Je suis un sale con. Je suis désolé. Mais de quoi ? L'Oiseleur était perdu entre deux eaux, à deux doigts de sombrer à nouveau. Mais une chose le raccrochait encore à la conscience.
Mikkel souffrait. C'était pour ça qu'il avait rassemblé ses forces pour tâtonner à côté de lui, cherchant à attraper sa main dans la sienne. Qu'il l'avait serrée, serrée autant qu'il l'avait pu, qu'il avait suivi la direction de sa voix pour orienter autant que possible son regard vers le Brun de la Discorde. Tout était flou, tout était brumeux. Mais ça ne l'avait pas empêché de tenter.
De murmurer, doucement, un sourire faible creusant son visage pâle :

-Ca va aller, Mikky... C'est pas ta faute...


Non, ce n'était pas sa faute si Lazlo était parti en mission. Ce n'était pas sa faute s'il s'était retrouvé au mauvais moment, au mauvais endroit. C'était la faute d'un système qui appelait ce genre de comportements, qui avait provoqué suffisamment d'indignation dans le coeur de l'Oiseleur pour le pousser à aller au front. C'était la faute d'un Destin capricieux qui avait décidé de les mettre sur la route l'un de l'autre à cet instant précis, la faute d'un trop mauvais timing. Mais certainement pas celle de Mikkel, ça n'avait jamais été sa faute. Et Lazlo ne regrettait aucun de ses choix, sinon celui qui l'avait poussé à brutaliser la seule personne qu'il n'aurait jamais voulu terrifier. Le protéger de l'explosion avait été naturel. Le protéger du monde entier était la destinée qu'il avait égoïstement choisie. Ce n'était pas la faute de Mikkel, pour rien de ce qui était arrivé. Et le voir aussi fragile, aussi coupable alors qu'il était innocent, profondément innocent, souleva le coeur de Lazlo pour l'enfoncer violemment dans son estomac.

-Hey, hey, Mikky...

Levant ses mains doucement vers son visage, il remarqua le mouvement de recul, bref mais suffisamment marqué, de son amant. Comme s'il avait peur qu'il le frappe. Comme s'il avait peur des répercussions. Se mordant la lèvre inférieure, l'âme au naufrage devant cette réaction, Lazlo resta en suspens. Avant de poursuivre son mouvement, avec une lenteur toute calculée, pour serrer son visage entre ses mains. Doucement. Précautionneusement. Ses pouces roulèrent le long de ses joues alors qu'il amenait progressivement Mikkel à lui refaire face, à croiser son regard. Il pouvait sentir la difficulté qu'éprouvait son amant, ses tremblements sous sa peau, la douleur qui affleurait dans son aura. Cette peur profonde qui avait subtilement changé son odeur. Les iris céruléens croisant les mares d'acier gelé, il pouvait la lire clairement, cette douleur. Il pouvait la sentir se propager dans tout son corps, mais s'accrocha à l'unique certitude qu'il avait. Mikkel était innocent. Un message lisible dans les yeux trop pâles de Lazlo.

-Pourquoi je te détesterais, Mikky ? Parce que t'es un chacal ? J'suis une colombe, on est pareils toi et moi.

L'évidence même. Son secret aurait pu être terrible, terrifiant, même, si Lazlo n'était pas lui-même un métamorphe. Il aurait changé sa vie entière, mais il était trop tard pour ça. Parce qu'il comprenait ce que ça impliquait, à présent. Il comprenait tous les changements, il comprenait chacune des nuances subtiles qui avaient modifié son amant. La présence de l'animal, l'obligation de se transformer. Alors quoi, il allait le fuir parce qu'ils étaient pareils ? Un léger sourire creusa ses lèvres ourlée, alors qu'il se hissa sur la pointe des pieds pour poser son front contre celui du brun. Son coeur était partagé entre la nécessité de battre trop fort et cet étau qui le resserrait toujours trop. Il étouffait, au fond de sa poitrine.

-C'est pas plus courageux ou fier qu'un chacal, une colombe, si c'est ça que tu sous-entends. C'est tout aussi nerveux, tout aussi fragile. Tout aussi terrifié par le monde extérieur, et encore plus par ce que pensent les gens qui importent.

Chaque mouvement de Lazlo était mesuré, tout autant que sa voix, tout autant que cette douceur qui émanait de chacun de ses gestes. Son nez se posa contre celui de Mikkel, humant malgré lui son odeur. Sous la peur, cette odeur terreuse, animale, qui se dégageait avec plus de certitude maintenant qu'il savait ce que c'était. L'odeur du chacal qui imprégnait sa peau, qui avait apporté une toute nouvelle profondeur à sa signature olfactive toute entière. La toute première odeur qu'il avait sentie lors de sa première transformation, une odeur familière autant qu'étrangère, dont l'absence avait creusé un vide dans le jabot tout nouveau de la colombe. A laquelle il répondait le plus naturellement du monde, ses doigts caressant doucement les joues de son amant. Bonjour Chacal, c'est moi, Colombe.

-T'as pas à t'excuser d'avoir eu besoin de temps pour me le dire. Pour l'accepter. C'est pas comme de dire que tu préfères les slips au caleçons, ce genre de trucs, ça demande du temps. Et merci d'avoir eu suffisamment confiance en moi pour me le dire.

Aurait-il lui-même eu la force d'avouer sa nouvelle nature à Mikkel, eussent les circonstances de sa transformation été différentes ? Il n'en était pas certain lui-même. Une toute nouvelle nature était déjà suffisamment difficile à appréhender, mais faire part de sa non-humanité à quelqu'un de proche ? Il n'avait même pas été capable d'aborder le sujet avec sa propre mère, en ce qui le concernait. Une mère à laquelle il n'avait jamais réussi à cacher quoi que ce soit.
Alors que Mikkel franchisse le pas, que ce soit maintenant plutôt qu'avant, résonnait puissamment en Lazlo. Soulevait son coeur, guidait chacun de ses gestes. Parce qu'il était fier, au fond. Fier de Mikkel, fier de cette force qu'il était capable d'avoir, même quand il était au plus bas. Fier de cette confiance qui les soudait tous les deux, qui débordait de temps à autres, qui explosait les barrières confuses de leur amitié. Leur amitié. Ce n'était pas ça qu'il ressentait aussi puissamment dans tout son corps, alors qu'il avait relâché les joues de son amant pour le guider plus facilement au ceux de son cou. Ce n'était pas ça qui faisait battre violemment son coeur dans son torse alors qu'il accueillait son visage contre sa peau, le cachant à son regard comme au reste du monde. Effleurant sa tempe de sa joue, il le serra un peu plus fort. Poursuivit doucement, les paupières closes :

-Pis c'est super classe, un chacal. Vous avez quand même la même tronche que le Dieu de la Mort chez les Egyptiens. Et franchement, je serais toi, je serais jamais désolé d'être le demi-frère d'Anubis. En plus, t'es sacrément plus sexy que lui.

Au fond, il se doutait que ce ne serait pas tout. Que la douleur de son amant était bien plus grande que le chacal, bien plus que lui-même. Qu'elle n'attendait qu'un signal, un déclic, une misérable goutte d'eau de plus pour que la crue se poursuive. Il serait solide, en ce qui le concernait. Pour Mikkel, il le serait. Car si ce dernier était le demi-frère d'Anubis, s'il mettait son âme lui-même sur la balance, Lazlo était certain qu'elle serait bientôt aussi légère qu'une de ses plumes.
Ses lèvres se perdirent doucement contre les cheveux bruns, s'y déposèrent sans l'ombre d'une hésitation. Il n'y avait rien à pardonner, il n'y avait aucun péché à absoudre. Mikkel était Mikkel, avec tout ce que ça comportait, et c'était tout ce qui lui importait.

-Quant au reste, je vois pas pourquoi tu serais désolé, tu sais. Tu m'as aidé, énormément, quand j'avais besoin de toi. Tu étais là, je m'en souviens. Même si c'était ma connerie, même si j'aurais jamais dû agir comme je l'ai fait vis à vis de toi, t'étais quand même là. T'as été incroyablement courageux, ce soir là. Courageux et innocent.

Suffisamment courageux pour l'avoir amené jusqu'à chez Maisy. Pour ne pas l'avoir abandonné après que Lazlo l'ait menacé, clairement, avec une froideur terrifiante. Mikkel n'avait pas flanché une seule fois sur le chemin. Avait été à ses côtés, l'avait épaulé, rassuré, tout le long de leur progression. Et si l'inconscience avait coupé les jambes de l'Oiseleur plus d'une fois, il avait pu se laisser partir sur la seule conviction que son amant ne le laisserait pas tomber. La seule certitude qu'il croiserait son visage, sentirait sa chaleur ou entendrait sa voix à chaque fois qu'il ouvrirait les yeux.

-J'étais mort de trouille, tu sais ? Mais t'étais là, t'as tout le temps été là. Tu m'as sauvé la vie. Plus que la sorcellerie, plus que la colombe, c'est grâce à toi que je suis encore ici.

S'il résidait toujours de larges zones de flou, Lazlo était certain d'une chose : il n'oublierait jamais tout ça. Et Mikkel avait beau s'avouer chacal, il ignorait clairement à quel point ces animaux étaient capables de miracles. Il ignorait clairement que Lazlo lui devait la vie, qu'il était la raison pour laquelle son coeur battait aussi fort. Et s'accrochait comme un diable à chaque fraction de vie, juste pour avoir le droit de croiser ses prunelles d'acier.


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MessageSujet: Re: Don't let me Down || Mikkel ♥   Don't let me Down || Mikkel ♥ EmptyLun 26 Mar - 19:23


« I think I'm losing my mind now
It's in my head, darling I hope »



 
 
Mikkel et Lazlo
featuring

Cette nuit là, je m'étais effondré dans l'appartement de la sorcière, au chevet du corps inerte de Lazlo. Sa respiration sifflante s'était interrompue durant quelques instants pour laisser place à un silence insupportable où l'ombre de la mort planait sur son visage livide. L'angoisse avait eu raison de moi et les sanglots m'avaient secoué tandis que des larmes brûlantes coulaient sur mes joues, entre mes appels désespérés, mes suppliques et mes cris de désespoir. C'était ma faute s'il souffrait le martyre, livré aux incantations lugubres de cet horrible rituel, c'était ma faute si Lazlo se retrouvait entre la vie et la mort. Je l'avais suivi au sein de ces quartiers huppés, sans avoir la moindre idée de ce qu'il s’apprêtait à faire, ni du danger auquel il allait s'exposer. Si seulement j'avais eu le cran d'aller lui parler au lieu de le stalquer comme un con, les choses n'auraient sûrement pas dégénéré à ce point, mais j'avais pas été fichu de l'aborder. Et pourquoi ? J'en savais foutre rien. Mes pensées se mélangeaient et je repensais à ces mots, à ce qu'il m'avait dit dans cette ruelle, juste avant que tout n'explose, des mots qui tournaient dans mon esprit et me rendaient totalement incapable de contenir mes larmes. Il avait dit que j'étais sa cause. Il m'avait dit ça alors que je l'avais accusé de n'être qu'un tueur endoctriné par les fanatiques de la Résistance. Et il avait offert sa vie pour sauver la mienne. Alors que mon existence ne valait pas un clou et surement pas le sacrifice d'une âme aussi magnifique que la sienne, une âme donc la force vitale était en train de vaciller.

Je suis désolé, je suis tellement désolé. Qu'est ce que j'aurais fait si l'univers me punissait en l'arrachant à moi ? Si je le voyais s'éteindre devant moi, je ne pourrais pas le supporter, je ne pourrais pas endurer sa perte, une fois encore, pas après l'arène de sable. Comment imaginer un monde sans lui ? « J'pourrais pas, non, j'pourrais pas... » Ma voix s'était brisée juste avant de tressaillir au contact de sa main qui s'était posée doucement sur la mienne, pour la serrer avec ses faibles forces. Un sourire s'était allumé au travers de mes larmes que j'avais ravalées vivement, entre panique et désarroi. Il avait parlé, il était bien vivant... et tout ce qu'il pensait à faire, dans sa douleur, c'était encore de me rassurer ? Le soulagement se partageait avec l'inquiétude qu'il sombre à nouveau dans le noir alors que j'essuyai vivement mes joues avec ma manche. «  Oh Lazlo... oui, oui ça va aller. Tiens le coup, j'suis avec toi, je reste avec toi. » J'avais entouré sa main des miennes pour l'envelopper de ma chaleur et l'assurer de ma présence, même si je ne savais rien faire d'autre. Il aurait fallu qu'on s'y prenne par la force et la violence pour réussir à m'arracher à cette place à ses cotés où j'étais décidé à veiller sur lui et à le soutenir, envers et contre tout. J'aurais été prêt à mordre violemment quiconque aurait tenté de me séparer de lui, parce que...

Je suis un chacal.
Je venais de prononcer cette phrase dans l'ambiance bienveillante de son toit, illuminé par les couleurs orangées du soleil couchant. Incapable de supporter le poids de son regard et de sa stupéfaction suite à mes mots, j'avais baissé mes prunelles angoissées vers le sol dans l'attente de sa sentence. En quelques minutes, la légèreté de notre conversation s'était radicalement transformée alors qu'un petit instant auparavant, j'en étais encore à délirer sur mes allergies cheloues, à prétendre douter de la capacité du Daniel à choisir une bonne qualité de tissu pour ses fringues, dans une moue faussement boudeuse. Tout de même, elle était bien moche cette veste. Lazlo avait beau se foutre de moi, j'avais secoué la tête à sa proposition, dans un demi-sourire, secrètement réjoui à l'idée qu'il ne fréquente plus cet homme. Et puis, j'avais balancé mon secret trop vite, trop abruptement, comme pour m'en débarrasser, comme si je savais confusément que si j'attendais, je replongerais dans mon foutu mutisme.

Pourquoi j'étais à ce point incapable de partager tous les sujets trop graves ou trop sérieux planqués au fond de mon crâne ? Peut-être parce que je m'attendais trop à me faire refouler d'un grand coup de pied au cul mais Lazlo n'était pas comme ça. Il ne m'avait pas interrompu, il m'avait laissé parler, même si ce que je racontais devait le choquer à mort. Entre mes paroles fébriles, j'admirais sa patience, sa façon d'être toujours aussi délicat et attentif, comme s'il devinait toujours instinctivement de quoi j'avais besoin. Mais tout être avait ses limites et je ne pouvais jamais faire autrement que de les dépasser allègrement avec tous les gens que je rencontrais, comme si je cherchais la faille, comme si je faisais tout pour les pousser à bout et qu'ils me prouvent que oui, finalement, je ne méritais bien que des injures et des beignes dans la gueule.

A son geste, je m'étais raidi par réflexe, trop habitué aux réactions brutales des mecs violents que je m'obstinais à fréquenter. C'était devenu un schéma récurrent dans toutes mes relations, au point que je le considérais comme la norme. Finalement, c'était pas si grave si je me mangeais des coups et des insultes, je guérissais vite, je n'étais pas rancunier et il me suffisait de me concentrer sur la déconnade, armé de ma désinvolture, pour me rendre compte que rien de ce qu'on me faisait n'était très important, au final. Pourtant, en ce qui concernait Lazlo, c'était pas pareil, pas pareil du tout... Parce que ses réactions à lui, je ne m'en foutais absolument pas.

Sous la douceur de ses paumes, je retenais mon souffle, le coeur battant, et mes prunelles égarées retrouvèrent la pureté de son regard. Ce soir là, face au terroriste qui avait pris en otage les riches clients du restaurant, j'avais été glacé de terreur. Parce que reconnaître l'odeur, la gestuelle et la voix de Lazlo dans celles de ce personnage froid et brutal m'avait terrassé et que, encore maintenant, je restais incapable de superposer ces deux images totalement incompatibles dans mon esprit. Lazlo ne pouvait pas me faire du mal. Si c'était ça, alors la terre aurait bien pu exploser que j'en n'aurais plus rien eu à foutre. Dans mon trouble, je me rendais compte de l'importance cruciale que revêtait le moindre de ses gestes envers moi. Parce que non, ce n'était pas pareil en ce qui le concernait, parce que Lazlo était différent de tous les autres, parce que je le plaçais sur un piédestal, parce que j'avais une confiance aveugle en lui, parce que je lui vouais une affection bien trop profonde, parce que c'était mon meilleur ami et aussi...

Il ne me détestait pas. Je relâchai prudemment mon souffle, en écoutant avec la plus extrême attention sa voix si douce, mes muscles toujours crispés sous ce stress pétrifiant que je ne parvenais pas à gérer. Lazlo affirmait qu'on était pareils et je me mordillai les lèvres avec incertitude avant de ployer spontanément la tête pour rejoindre son front qui se hissait vers moi. « Ouais je... j'pense que j'te l'aurais pas dit si jamais... si t'étais pas devenu comme ça... » Je n'aurais certainement jamais rien dit s'il était resté humain parce que j'aurais eu bien trop honte, parce que j'aurais trop craint de lui faire peur ou même de le dégoûter... Mais à présent qu'il était soumis à cette même malédiction, les choses étaient différentes et ça aurait été encore plus dégueulasse de ma part de continuer à lui cacher ma nature. Ma voix était basse, mes mots s'articulaient avec confusion, contrairement au ton posé du blond qui parvenait, je ne savais comment, à garder cette aisance pour me parler, comme s'il ne m'en voulait vraiment pas. Le front plissé, j'analysais le sens de ses mots en silence, mes paupières ployant sous la douceur de son visage si proche du mien, de ses doigts contre mes joues trop chaudes. Voulait-il me dire qu'il se sentait lui-même nerveux, fragile, terrifié ? Quelque part, dans un coin de mon âme, le chacal expulsa un hurlement sinistre alors que j'inspirai une bouffée de l'odeur de Lazlo, plus prononcée depuis sa transformation. Une odeur douce et parfumée qui allumait un désir bien trop avide comme tout ce qu'il m'inspirait, comme toutes ces sensations et ces sentiments exacerbés. Excessifs. J'avais toujours été bien trop extrême et j'avais terriblement peur de ça, une peur phobique. Fuis, Colombe. Les chacals dévorent les jolies proies comme toi.

« Je... j'préfère les slips... » Une connerie, expulsée dans un souffle intimidé, c'est tout ce que je parvins à articuler. J'ai confiance en toi Lazlo, j'ai toujours eu tellement confiance en toi mais qu'est ce qui se passerait si jamais je me laissais aller ? Ce serait pire que l'apocalypse, pire que l'ouverture des mille portes de l'enfer...

La vague de tendresse déferla sur moi avec puissance alors que je me laissai guider contre lui, cachant mon visage dans le creux de son cou pour y fermer les yeux, mes bras l'enlaçant dans le même mouvement, sur un réflexe naturel. Niché dans son étreinte, un sourire fragile affleurait à mes lèvres, Lazlo était tellement doux, compréhensif et adorable que je n'arrivais même plus à parler, chose qui m'arrivait très rarement, quand j'étais assez émotionné pour que ça me coupe la chique. Je m’imprégnais de son odeur, de sa présence, de sa voix, l'envie pressante de l'embrasser me parcourant dans une sensation puissante qui faisait battre mon cœur beaucoup trop fort. Un rire étouffé s'expulsa sous forme de soupir à ses histoires de dieu égyptien pendant que je restais blotti contre lui, la gorge serrée par l'accumulation d'angoisse mêlé à ces émotions bouleversantes qui me parcouraient.

Non seulement il ne m'envoyait pas me faire foutre mais il me réconfortait avec beaucoup trop de gentillesse et d'indulgence, comme s'il était capable magiquement de transformer n'importe quelle situation pour en faire quelque chose de beau, cool et fantastique. Tout ça, c'était lui qui l'était, c'était lui, parce qu'il était le mec le plus merveilleux que la terre ait jamais porté. Lové contre lui, sa manière de me serrer possédait également un charme magique, celui d'alléger ce poids douloureux qui m'oppressait le cœur, comme si, dès que j'étais entre ses bras, je me sentais instantanément plus léger, envahi par un plaisir qui dispersait aussitôt les mauvaises ondes, parce qu'il était bien plus intense que tout le reste. Il dessinait une image de moi différente de celle que j'avais dans la tête et j'avais envie de croire qu'il me voyait réellement ainsi parce que si c'était le cas, alors je pourrais peut-être vraiment être ce mec classe, sexy, courageux, innocent qu'il dépeignait.

« Putain, c'était la moindre des choses que j't'aide alors que... » alors que c'était ma faute si Lazlo avait été blessé parce que, si j'avais pas fait foirer son coup, il n'en serait pas arrivé là. Clairement, je n'étais pas innocent mais lui me voyait comme ça et dans le fond est-ce que c'était pas tout ce qui m'importait ? Je me raclai la gorge avant d'expulser un long soupir.  « C'est plutôt cool comme activité, de se sauver mutuellement la vie.» Je pouffai doucement contre son cou, respirant profondément pour laisser la pression retomber et me laisser envahir par ce soulagement intense qu'il ne m'en veuille pas, ni pour sa transformation, ni pour mes mensonges, ni pour mes conneries.

Il fallait à tout prix que je me reprenne, j'en étais conscient, même si c'était hyper difficile, parce que j'avais pas le droit de me lamenter sur son épaule pendant des plombes. Encore une fois, il avait évoqué sa trouille et ça m'ébranlait littéralement parce que jamais je n'aurais eu l'impression qu'il aurait pu être à ce point apeuré. Bien-sûr, n'importe qui l'aurait été dans les circonstances qu'on avait traversé, mais je n'avais jamais eu vraiment conscience qu'il soit lui aussi soumis à la terreur. Peut-être parce que les miennes me dépassaient tellement que j'avais toujours l'impression d'être le seul à flipper, peut-être parce que j'étais persuadé que Lazlo était un roc inébranlable avec un esprit si courageux et fort que rien ne pouvait jamais l'atteindre. Mais il me répétait que c'était faux.

Au bout d'une poignée de secondes, je me forçai à redresser mon visage pour m'éclaircir la voix, tout en pétrissant doucement ses épaules de mes doigts. « T'sais il parait que... le mot chacal ça signifie "le hurleur". On dit que le chacal est un fou, parce qu'il ne rôde jamais sans trahir ses mauvaises intentions par ses hurlements. » C'était Noah qui m'avait dit ça, ce mec avait une culture impressionnante, à croire qu'il connaissait tout sur des tas de trucs, et c'était pas si étonnant vu la quantité de bouquins qui s'amassaient dans son bureau. Le psychiatre italien paraissait toujours très intéressé de discuter du chacal mais ça devait sans doute me permettre aussi de réfléchir sur mon propre comportement et tout en parlant à Lazlo, c'était ce que j'essayai de faire, mon regard trouvant le sien.  

« C'est vrai que j'suis pas le mec le plus discret de la terre et ce soir là, dans ce resto... j'ai bien foutu la merde en gueulant comme j'l'ai fait. Du coup, ça se comprend que t'aies été obligé de me calmer, j'ai cherché hein, et j'te jure que t'as été encore trop délicat avec moi, t'as absolument rien à te reprocher.»

En y repensant, je lui avais reproché de m'avoir malmené alors qu'il avait pris la peine de me donner des explications et de m'escorter au dehors, il avait sacrifié sa mission pour me ménager alors que logiquement, il aurait mieux fait d'être beaucoup plus violent et expéditif. Mais encore une fois, Lazlo s'était montré trop indulgent avec moi. « En parlant de sexy, je t'ai jamais dit mais j't'ai trouvé carrément impressionnant dans ta peau de terroriste, en vrai. J'ai pas osé te le dire parce que ça le faisait pas trop dans le feu de l'action mais hé... » Il était juste hyper classe avec son autorité et son assurance et au final, c'était surtout ça que je retenais, au delà de la violence et du coté flippant de la chose.

Un sourire habilla mes traits alors que j'admirai les yeux clairs de mon meilleur ami. Un ami qui était décidément bien plus que ça pour moi, même si la peur de trop m'attacher à lui me tenaillait, mais il me semblait que c'était un peu trop tard maintenant. Et si tout ce que je risquais de faire, c'était lui attirer des ennuis et lui faire du mal, il me semblait que pour ça aussi, c'était trop tard. La lettre que j'avais reçue de la part de ce Monsieur Hide laissait clairement entendre qu'il savait ce que j'avais fait avec Lazlo, même si son nom n'avait pas été cité. Si ce type était vraiment le chef de la Résistance, comme tout le monde avait l'air de le penser, il avait de drôles de manières de s'assurer de la fidélité de ses partisans. L'utilisation des moyens de pression comme le chantage me faisait flipper autant qu'elle me dégoûtait. Manifestement, cet homme masqué voulait nous faire payer l'échec de la mission de Lazlo et si jamais je ne lui obéissais pas, il allait forcément s'en prendre à lui. Plus j'y pensais, plus la formulation des menaces que j'avais lues me paraissaient évidentes, ça ne pouvait être que ça. Et qu'est ce que j'allais faire maintenant ? Chialer, me lamenter ? Me taper la tête dans le mur jusqu'à ce que j'en crève ne résoudrait rien à la situation de Lazlo, il fallait que j'assume mes conneries, bordel de merde. Et que je le protège. Parce que ce mec était beaucoup trop bon pour ce monde pourri, parce que son âme était pure, comme celle d'une colombe... Je me mordillai les lèvres en le contemplant.

« J'ai pas toujours apprécié le chacal, je l'ai longtemps ignoré... mais j'vais finir par l'aimer si c'est un demi-dieu. Et puis peut-être même qu'il pourrait protéger la colombe. Elle est précieuse, très précieuse, tu sais. Si jamais elle est nerveuse ou terrifiée, le chacal l'aidera, il sera son guide dans la nuit... »

Cet oiseau représentait la paix, est-ce que c'était pas ça son symbole le plus éclatant ? Une colombe blanche avec un rameau d'olivier dans le bec. Mais elle représentait aussi l'amour, comme on le voyait sur les cartes de la St Valentin ou dans les lâcher de colombes pendant les mariages. L'amour. Je frissonnais un peu, mes paumes glissant de ses épaules pour caresser le haut de ses bras. « J'sais bien que t'as Maisy pour te conseiller mais n'empêche, j'suis là maintenant. Et j'veux que tu saches que je serais toujours là, Lazlo. Parce que... c'est ce que les amis font. Et si jamais t'as des soucis en tête, tu peux tout me dire. Tu ne les gardes pas pour toi. Tu le ferais hein ? Jure-le. » Le culot ne m'avait jamais manqué pour exiger des trucs que je n'étais sûrement pas en mesure de faire moi-même. Pourtant c'était très important. Il y avait des gens qui se suicidaient parce qu'ils se sentaient trop seuls ou incompris... Sur une impulsion, je me laissai aller à nouveau dans ses bras, pour nicher mon visage contre son cou. Il sentait tellement bon, une odeur enivrante qui me filait des frissons trop agréables. « Genre si t'as peur de la lune, si t'es triste de ne plus pouvoir porter tes bijoux en argent ou que les instincts de ta bestiole te font flipper... Tu gardes pas tout ça rien que pour toi. »

Ce n'était pas un hasard si le corps de Lazlo empruntait la forme d'une colombe, c'était ce qu'il représentait, c'était ça son âme. Une âme faite de paix et d'amour. Une âme fragile et terrifiée qui avait besoin de ma protection et certainement pas de mes larmes. Le gilet de ce Daniel était si grand qu'on aurait pu y glisser deux ou trois mecs de la carrure de Lazlo. Même si je ne l'avais jamais vu, je pouvais donc me représenter un homme plutôt grand et baraqué, sans doute un peu un patriarche, à l'image du pigeon qui avait mérité son nom. C'était surement un mec plus rassurant que moi dont l'image offrait à Lazlo le réconfort dont il avait besoin quand il s'enveloppait dans son vêtement. Le chacal avait une ouïe subtile, une clarté extrême, un odorat très perfectionné, et la capacité de différencier les diverses sources de lueurs et d'ombres. Il voyait toutes les couleurs, l’obscurité et la luminosité, il se déplaçait avec la rapidité de la pensée, sans prendre le temps de réfléchir, il agissait d'instinct. Et puis, il guidait les gens, les conduisant à travers les ténèbres, et revenant à la lumière. Beaucoup de gens avaient peur du noir, et savoir qu'il y avait un guide pouvait apporter beaucoup de confort, non ? Peut-être autant que la veste bien chaude d'un gars baraqué...

 


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Lazlo J. Andersen
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Lazlo J. Andersen
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Don't let me Down || Mikkel ♥ Empty
MessageSujet: Re: Don't let me Down || Mikkel ♥   Don't let me Down || Mikkel ♥ EmptyJeu 29 Mar - 2:39


Son corps tout entier n'était que douleur. Chaque inspiration donnait l'impression qu'il avalait de pleines gorgées d'un océan, à chaque fois que le mouvement se faisait trop intense. Dispersée sur tous ses membres, la douleur allait et venait, par saillies qui lui donnaient la sensation qu'il allait s'enfoncer dans l'inconscience une nouvelle fois. Mais il y avait cette voix, qui le tenait à flot. Une voix brisée, rompue par l'émotion, qui faisait bien plus de peine qu'il n'avait de mal. Car cette voix, il n'aimait pas quand elle était aussi faible. Aussi tourmentée. Il aimait l'entendre rire, il l'aimait emportée. Pas aussi douloureuse que tout son propre corps, et encore moins par sa faute.
Lazlo avait tâtonné à la recherche de la main de Mikkel, pour les sentir, elle et sa comparse, s'enrouler tout autour de la sienne. La chaleur qui en émanait rassérénaient le coeur battant trop vite, trop fort de l'Oiseleur. Elles diffusaient juste assez de chaleur, juste assez de tendresse, pour l'inciter à ouvrir les yeux vers le visage trouble de son amant. Il ne voyait pas précisément ses traits, pas à cause de la violence, de la douleur ou des larmes que cette dernière lui tirait. Mais il pouvait sentir l'électricité des nasses d'acier sur son visage. Savait qu'il pourrait lutter encore un peu, tant qu'il avait l'attention du Brun de la Discorde. S'il n'avait pas suffisamment de forces pour abattre son autre main sur celles de Mikkel, il se concentra pour respirer le plus doucement que possible. Ne pas accentuer les choses. Murmurer, pour ne pas propager le sang dans ses poumons, pour lui parler, pour se maintenir éveillé. Car quelque chose lui disait que s'il se laissait aller, s'il laissait la douleur l'emporter, il ne reviendrait pas de sitôt. Ce froid qui le rongeait jusqu'à l'os. Cette terreur qui l'accompagnait, depuis qu'il avait réalisé à quel point l'explosion l'avait blessé.

Dire qu'il était terrifié était un doux euphémisme. Ses doigts s'étaient raccrochés à ceux de Mikkel alors qu'une nouvelle quinte de toux le prit, et qu'il sentait de nouveau les frémissements de l'inconscience tout le long de ses lèvres. Et si Maisy ne réussissait pas à le faire revenir à temps ? Si ça échouait ? La sorcière lui avait confié plus d'une fois que les rituels de ce genre demandaient une concentration, une énergie et une patience monstrueuses, qu'ils ne se faisaient pas dans l'urgence. Et que même si les conditions étaient bonnes, il était fort possible que ça échoue. Et si elle n'y arrivait pas ? Est-ce que cela signifierait que Mikkel dusse tenir entre ses doigts les seuls fragments encore humains d'une charpie à venir ? Il frissonna. Il pouvait entendre la voix de la sorcière derrière lui, marmonnant une incantation, incertaine. Et si elle échouait ? Est-ce qu'il pourrait partir avec son secret ? Est-ce que Mikkel, lui, s'en sortirait ? Est-ce qu'il supporterait tout ça ? Est-ce qu'il saurait que ce n'était en rien sa faute, qu'il n'y avait pas à avoir peur, qu'il n'y avait pas à s'inquiéter ? Est-ce qu'il saurait, seulement, à quel point il comptait à ses yeux ?

-Me lâche pas... S'il te plaît me lâche pas...

Est-ce qu'il lui serait possible, seulement, de mourir avant lui ? Les larmes montèrent, des larmes salées, aigres, qui lui brûlèrent les yeux. Est-ce que c'était ça, alors ? Il mourrait, il serait séparé à jamais du Brun de la Discorde ?
Non... Non il ne pourrait pas. Il ne pourrait pas. Ses doigts s'enfoncèrent dans la chair chaude du brun, alors que Lazlo cherchait de nouveau sa respiration, son souffle raccourci par la terreur. Urgence. Il manquait de temps. Ce n'était pas le moment. Ce n'était pas le...

-Mikkel je...

Des liens invisible tout autour de son corps, dans ses chairs, à l'intérieur même de ses muscles. Une vague de douleur qui lui arracha un cri alors qu'il sentait ses os se rompre un à un, qu'il sentait une force invisible tirer sur ses nerfs et les électriser tous en même temps. Il n'avait pas le temps. Non. Il n'avait plus le temps.
La transformation commençait.



Je suis un chacal.
Que Mikkel admette qu'il ne l'aurait probablement jamais mis dans la confidence ne surprit pas Lazlo outre mesure. Car il l'Oiseleur n'était pas aussi courageux que ça, pas aussi courageux que son compagnon le prétendait. Il n'avait pas été capable non plus d'avouer sa nouvelle nature à ses proches, même si elle datait déjà de quelques lunes. Un jour peut-être qu'il y arriverait. Mais ces choses-là, les informations qui touchaient au plus près de sa vie et de son vécu, les choses les plus importantes, elles avaient toujours beaucoup plus de mal à sortir. Des secrets inavoués qui vous rongeaient le système et vous empêchaient d'avancer. Lazlo n'était pas étranger à ces sensations, pour la simple et bonne raison qu'il était lui-même sujet à ce type de réflexions. Sa pauvre mère saurait-elle un jour qu'il n'était plus tout à fait humain ? Certainement, mais ce n'était pas pour tout de suite.
Alors non, il n'en voulait pas à Mikkel. Au contraire, il le comprenait. De sa pudeur, de son besoin de temps avant de confronter le problème, de la difficulté qu'il aurait pu éprouver à l'époque de sa transformation pour conjuguer sa personnalité avec l'intrusion de l'animal. Des instincts différents, nouveaux, qui ne s'associaient pas toujours forcément avec les siens. Un monde tout entier qui s'ouvrait à ses sens, qui faisait tourner la tête, qu'il fallait redécouvrir pas à pas. Serrant toujours le brun dans ses bras, Lazlo s'était pris à méditer sur la question. Peut-être qu'il n'aurait pas réussi à en parler à Mikkel, non, à sa place. Parce que la peur était toujours là, tapie dans l'ombre de son coeur. Si Mikkel l'avait rejeté à cause de sa différence, il n'aurait pas survécu à ça. Il le savait si parfaitement qu'il ferma les paupières en silence, chassant ces pensées de son esprit et les prémisses du frisson qui montait. Ce n'était pas le moment de penser à ça.

Le nouvel aveu, timide, de Mikkel lui arracha un léger rire contre sa chevelure. Il préférait les slips. Lazlo l'avait toujours su, pour l'avoir constaté plus d'une fois. Mais le décalage de sa réflexion avait permis à l'Oiseleur de chasser les siennes, de dénouer un peu le noeud que formaient ses propres entrailles. L'envie de se retourner pour l'embrasser était venue toute seule, accompagnant une énième vague de tendresse dévastatrice. Le Brun de la Discorde avait ce don d'alléger les maux, d'apaiser les blessures, avec sa seule répartie. Parfois, il était maladroit. Parfois, c'était tout sauf poétique. Mais il y avait quelque chose, chez Mikkel. Un don tout particulier pour faire apparaître le soleil d'entre les nuages au beau milieu de la tempête. Comme ces mois auparavant, lors de cette nuit sur le toit. Comme quelques lunes avant, alors que ses muscles s'entassaient et se mélangeaient pour le premier vol de la colombe. Résistant à l'envie de lui voler un baiser, Lazlo avait laissé la conversation suivre son cours, cherchant à rassurer son amant. Après tout il n'était pas question de monstruosité entre eux. Jamais. Car à ses yeux, Mikkel était peut-être un chacal, mais il était le plus beau chacal qu'il ait jamais rencontré. Et il espérait que ce dernier finisse par le comprendre.

La voix de son amant s'était éteinte dans un soupir chargé de regrets qui lui serra le cœur. Spontanément, il resserra son étreinte tout autour du brun, cherchant, vainement peut-être, à étouffer cette culpabilité qu'il sentait dans sa voix. Non Mikky, ce n'est pas ta faute, tout ce qui est arrivé. Depuis la transformation, ils n'avaient pas reparlé de cette soirée. Mais découvrir que le Brun de la Discorde se sentait responsable de sa nouvelle nature faisait bien plus mal que se transformer en colombe à chaque pleine lune. Parce que ce n'était pas sa faute. C'était celle d'un système tout entier qui ne voulait pas d'eux, ni de leur nature ni de leur bonheur. C'était un monde tout entier qui se déployait contre l'amour et l'humanité par le biais d'une poignée de manipulateurs sans scrupules. C'était celle de cette bombe que Lazlo lui même avait posée, au nom de ses idéaux. Au nom de cet amour débordant qu'il éprouvait depuis des années, et qu'il souhaitait un jour pouvoir ressentir profondément sans avoir à se cacher. Au nom de cet homme qu'il serrait contre lui, si fort qu'il pouvait sentir chaque vibration de son coeur contre sa poitrine, pour lequel il avait toujours eu besoin de se battre. Car à défaut de l'avoir lui, il pourrait obtenir sa liberté. Mais si tout revenait toujours à Mikkel, ce n'en était pas pour autant sa faute. Car c'était Lazlo lui-même qui avait choisi cette route. C'était lui qui avait posé la bombe, lui qui avait activé le détonateur. Mikkel n'était responsable que de l'avoir sauvé, une fois de plus. Physiquement, émotionnellement. Lazlo ne le remercierait jamais suffisamment.

-C'est ce que font les co-pilotes, non ? Ils se sauvent la mise constamment, c'est comme ça depuis la nuit des temps il paraît.

Les liens autour de son coeur s'étaient desserrés doucement, sous la réplique du brun. Il n'avait pas tort, c'était agréable de sauver la peau l'un de l'autre. Violent, douloureux, mais pourtant il continuerait autant de fois que nécessaire. Car sauver Mikkel ou se faire sauver par Mikkel, c'était se donner la chance d'avoir quelques jours de plus pendant lesquels admirer son sourire.
Sourire qui s'était terni, sous l'évocation de l'attentat. Lazlo se mordit l'intérieur de la joue, détournant légèrement le regard. Le chacal était certes un animal vocal, s'il en était, la colombe était pourtant sensée représenter la paix et la constance. Rien de tout cela ne s'était produit, pour autant. Le Résistant avait été forcé d'user de la violence sur son amant alors qu'il s'était juré de ne jamais agir de la sorte envers lui. Il l'avait menacé avec son arme, merde ! Comment Mikkel réussissait-il à lui pardonner ça alors que la honte n'en cessait pas de le ronger depuis cette nuit-là ? Ce n'était pas du courage, ce n'était pas être compréhensif, c'était être le dernier des connards. Et Lazlo ne passait pas une journée sans ressasser ces images, sans revoir l'expression profondément terrifiée du Brun de la Discorde devant lui. A cause de lui. Se recentrant pour lui faire face, Lazlo déglutit difficilement. Mikkel se montrait trop compréhensif. Beaucoup trop.

-J'ai quand même agi comme un con vis à vis de toi. Merde, Mikky, je t'ai menacé avec une arme, je m'en veux tellement pour ça. Alors va pas me dire que c'est ta faute toute cette histoire, alors que j'ai été une sacrée merde vis à vis de toi.

Mais une fois de plus, Mikkel faisait quelque chose. Ces petits quelques choses qui faisaient toute la différence, qui ramenaient la chaleur dans les corps glacés. Qui faisaient fondre les glaciers. Il l'avait trouvé sexy ? Une nouvelle grimace, la tentative légèrement bancale d'un sourire sur les traits pâles de l'Oiseleur. Parce qu'il était flatteur, le Brun de la Discorde. A côté de la plaque, peut-être volontairement, mais immensément flatteur. Et si la remarque n'enlevait rien à la culpabilité, elle avait au moins le mérite de dédramatiser un peu la situation.
Lazlo se baissa le nez, pour mieux se cacher dans ses cheveux. Parce qu'une nouvelle vague de tendresse s'était abattue sur son système, parce que ses lèvres frémissaient de sentir le contact de celles du brun, de leur voler un baiser devant ce coeur immense qui semblait capable de l'absorber tout entier. Parce qu'il était bien plus courageux qu'il le prétendait, qu'il était le plus courageux d'eux deux pour accepter de le fréquenter encore tout en sachant que Lazlo était un danger potentiel.
Repoussant faiblement l'épaule du brun du plat de sa main, sans grande conviction, Lazlo osa lever un regard timide vers lui. Ses joues le brûlaient.

-J'espère que t'as profité alors, parce que ça risque pas de se reproduire. Y'aura pas d'autre performance que celle-là, parce que j'ai vraiment trop honte pour répéter l'opération, là !

C'était tellement plus simple, de tout tourner en dérision entre eux. Plus simple, et moins douloureux. Comme si Mikkel savait que c'était ça qu'il lui fallait. Comme s'ils avaient toujours été branchés sur la même fréquence, le même courant de pensée, et que son amant savait pertinemment comment parler ou se comporter pour lui réchauffer le coeur. Et ça marchait, à chaque fois. Ca ravivait la tendresse qui animait tout son corps, et lui permettait de reprendre les armes. A chaque fois.
Il savait si bien comment s'y prendre que ses paroles tourbillonnèrent quelques temps sous les mèches blondes de l'Oiseleur. Des mots chargés d'un sens qui résonnait profondément en lui. Même malgré leur nature commune, ce dernier n'aurait jamais souhaité s'imposer vis à vis de Mikkel. Ce n'était pas sa place, après tout. Et pourtant. Pourtant c'était le Brun de la Discorde qui se proposait, de lui même, de lui servir de guide. De lui apprendre ce que c'était, d'être un métamorphe, de lui tenir la main dans ses nouvelles découvertes. Une proposition qui conféra une telle légèreté au coeur de l'Oiseleur qu'il crut qu'il allait s'envoler. Milo l'avait soutenu au coeur de la nuit, lui aussi. Mais si leurs retrouvailles avaient été source d'un plaisir nostalgique, l'occasion de renouer différemment avec le jeune homme, il y avait une certaine distance entre eux. Une distance confortable, nostalgique, qui faisait qu'ils respectaient chacun la vie de l'autre sans trop s'y installer. Il y avait bien Maisy, dont les conseils judicieux l'avaient aidé à tenir. Mais tout était différent de l'aide de Mikkel. Car le monde entier n'avait rien à voir avec Mikkel. Guettant les iris métalliques, il comprit que son amant était sincère. Vraiment sincère. Le sourire de l'Oiseleur s'élargit à cette confirmation, un sourire radieux qu'il lui offrit avant qu'il ne se cache de nouveau dans le creux de son épaule. Accueillant son amant entre ses bras, Lazlo fourra son nez dans son cou, s'engorgeant de son odeur. Le chacal était un animal particulier, réputé farouche et peureux, et pourtant il n'en avait jamais connu de plus docile et tendre que celui qu'il tenait à présent contre son cœur.
Celui à qui avait toujours appartenu son cœur. Et son âme. Et son corps. Et qui se proposait maintenant d'être tant son guide dans la nuit que le réceptacle de ses peurs. La perspective était douce. Elle gonflait sa poitrine de cette tendresse trop envahissante, elle caressait cette douce sensation de réciprocité en laquelle il n'avait aucune confiance.

-Co-pilotes même dans pendant les pleines lunes hm ?

La chaleur qui irradiait tout son corps s'était glissée dans sa voix, contre la peau de Mikkel. L'odeur du chacal l'entourait tout entier, ses bras le réconfortant autant que sa proposition. L'envie d'accepter, pour cette nuit comme pour toutes les autres, était si forte que Lazlo ne put retenir plus longtemps son sourire. Là, au creux de cet homme, il se serait senti intouchable. Capable de tout, même de lui décrocher cette fameuse lune qui les tourmentait maintenant tous les deux de la même manière.

-Je te le promets. S'il y a quoi que ce soit, si j'ai la moindre question, c'est à toi que je la poserai. Après tout je connais pas de chacal plus malin et plus courageux que toi, ce serait dommage de passer à côté de tant de potentiel !

Il se sentait si léger, au creux de ses bras. Si léger, capable de déplacer les montagnes, capables de traverser les océans à la nage, capable de lutter contre ses terreurs les plus profondes. La société, le monde tout entier pouvait venir les chercher sur son toit qu'il ne les laisserait pas emporter Mikkel sans lui passer sur le corps. Pas sans une dernière bataille.
Une bataille...

-Mikky faut que je te dise un truc...

Combien de fois avait-il manqué de le perdre, au juste ? Que ce soit par une volonté extérieure ou bien par sa faute ? Combien de fois avait-il manqué de courage, s'était-il laissé faire battre blanc par la terreur ? Combien de jours de quiétude leur resterait-il, alors qu'ils étaient désormais différents ? Peut-être que c'était ça, le signal qu'il attendait depuis si longtemps. Peut-être que cette tendresse démesurée qui faisait battre son coeur si brutalement dans sa poitrine à chaque fois qu'il croisait le regard d'acier, lorsque le brun lui disait d'aussi belles choses, cette bouffée de courage qu'il éprouvait, peut-être que c'était ça le signal. Il avait frôlé la mort une fois de plus, peut-être même qu'il était mort sans qu'il ne le sache, la nuit de l'attentat. Sa conversation avec Milo lui revint brutalement à l'esprit. La vie lui avait donné une seconde chance. Il ne fallait pas la gâcher.
Pourtant c'était terrifiant, de penser à tout ce que ça impliquait. Pressant son visage dans le cou de son amant, Lazlo prit une profonde inspiration. Mikkel lui avait fait confiance, suffisamment pour lui ouvrir son coeur. Et s'il était incapable de chercher son regard, là, caché contre sa peau, il se sentait invincible. Presque. Il déglutit difficilement, cherchant son souffle, inspirant l'odeur de son amant.

-Je suis amoureux de toi depuis...

...Des mois ? Des années ? Toujours ? ...

-... longtemps. Très longtemps même. Et c'est terrifiant. Pire que me transformer en oiseau et avoir le cerveau reptilien qui s'excite à chaque fois que je vois du millet. Parce que je suis terrorisé à l'idée de te perdre, et c'est passé près trop de fois. Et envisager ma vie sans que tu sois là, c'est juste pas possible.

Ce n'était pas une déclaration comme dans les films, tonitruante, avec un cheptel de violonistes en bande son. Il n'y avait pas de pluie battante, il n'y avait pas de restaurant à l'ambiance tamisée, il n'y avait pas de drame tout autour d'eux. Juste son coeur qui battait trop fort dans sa poitrine, juste le murmure de sa voix, juste la peur qui le glaçait de nouveau. Juste l'odeur de Mikkel tout autour de lui qui lui avait donné l'impression qu'il pouvait dire ce genre de choses en toute sécurité, et qui maintenant l'étouffait tellement qu'il avait envie de prendre ses jambes à son cou. Tous ses muscles s'étaient raidis, il le sentit à la tension dans sa nuque, à la manière dont ses bras avaient rejoint ses flancs.
Avait-il le droit de dire ce genre de choses ? De rester contre Mikkel dans ce genre de circonstances ? Où étaient les limites d'un trop plein d'amitié et d'un trop plein d'abus ? Il finit par reculer, s'extirpant de l'étreinte piteusement. Son regard se perdant vers la volière où ses pensionnaires s'occupaient à lisser leurs plumes, il s'enveloppa de ses propres bras, le visage caché par ses longs cheveux. Il en avait trop dit. Trop fait. Aussi se précipita-t-il d'ajouter, un peu trop vite, un peu trop sèchement :

-... Je veux pas que ça change quoi que ce soit. Et si tu veux que j'arrête, j'arrête, je te le promets...

En serait-il vraiment capable ? Il l'ignorait. Depuis des années qu'il avait passées à aimer Mikkel, il s'était habitué à ressentir trop intensément chacune de leurs entrevues. En silence. Un joli secret qu'il couvait assidûment, et qu'il avait pourtant trahi sur un excès de confiance. Stupéfait de sa propre connerie, il n'osa pas scruter le visage de son ami.
Car il ne supporterait pas de voir le rejet sur ses traits, et de garder cette expression-là gravée à l'intérieur de ses paupières.

-Désolé, je crois que ces histoires de co-pilotes et de chasseurs de dragons me sont un peu montées à la tête.

Il força un rire sans joie, une manière comme une autre de dédramatiser la situation. De soupirer contre la peur, de la laisser un peu sortir, elle aussi. Peut-être que tourner tout ça en dérision aurait le même effet que pour le reste. Effacerait ce qu'il venait de dire.
Parce qu'il était aussi mortifié que terrifié. Et que, de toute sa vie, il n'avait pas le souvenir d'avoir eu aussi peur de la réaction de qui que ce soit. De la moindre répercussion. Mais Mikkel n'était pas n'importe qui, et encore moins quoi que ce soit.
Je t'aime, mais je t'en supplie, ne m'en veux pas.




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MessageSujet: Re: Don't let me Down || Mikkel ♥   Don't let me Down || Mikkel ♥ EmptyDim 6 Mai - 10:37


« I think I'm losing my mind now
It's in my head, darling I hope »



 
 
Mikkel et Lazlo
featuring

C'est ce que font les co-pilotes. Je n'avais pu empêcher un sourire d'affleurer naturellement sur mes lèvres à ce mot, alors qu'un torrent de tendresse m'envahissait, illuminant mon regard. Ce n'était qu'un mot tout bête, un délire sans importance parmi d'autres, au premier abord. Mais pour moi, il s'associait à des choses tellement profondes que j'en tremblais presque, des choses inexplicables que je n'osais analyser mais qui me renvoyaient instinctivement à cette soirée si particulière que nous avions passée sur le toit. Sans doute que je n'aurais pas dû y accorder autant de valeur, sans doute que j'offrais à ce symbole bien plus de signification qu'il n'en possédait. C'était dangereux pour moi, extrêmement dangereux et je le sentais confusément, même si à la fois j'avais l'envie folle d'y croire. Croire que j'aurais pu être le seul co-pilote de Lazlo. Croire qu'il n'avait pas ce même genre de délires avec d'autres gars... et que ce n'était moi qui étais sans importance ni juste une blague parmi d'autres.

Et si Lazlo m'avait bousculé lors de cet attentat, s'il s'était montré aussi rude avec moi, ce n'était réellement pas grave. Parce qu'il aurait pu m'englober dans la masse, dans cette foule anonyme de dégâts collatéraux. On ne faisait pas d'omelettes sans casser d’œufs après tout, n'est ce pas ? Alors si la Résistance était si cruciale à ses yeux, il aurait clairement pu me laisser tomber pour se concentrer sur son objectif. Mais il ne l'avait pas fait. En y pensant en cet instant, avec le recul, j'aurais préféré qu'il me frappe, qu'il m’assomme, qu'il me tire dessus. J'aurais préféré qu'il se montre impitoyable envers moi. Tout aurait mieux valu plutôt que de voir cette détresse dans son regard au moment où je l'avais reconnu... et cette lueur de courage quand il s'était montré déterminé à se sacrifier pour moi. A ses mots, je haussai doucement les épaules, dans un sourire en coin. Il s'en voulait de m'avoir menacé et mon cœur se mit à battre beaucoup trop fort. Parce que Lazlo n'était pas comme les autres, parce qu'il ne pouvait pas me faire du mal, parce que j'avais tellement confiance en lui, parce que...

Diverses émotions se bataillaient en permanence dans mon esprit. Mes délires, mes fantasmes, mes caprices avaient le don de supplanter le reste, même quand j'étais bouleversé. Et mes yeux pétillaient d'une joie candide en le voyant intimidé par mes flatteries, un rictus de chacal se dessinant sur mes traits. Si j'avais la faculté de transformer tout ça en jeu, j'allais sûrement pas m'en priver, et déjà mes propres souvenirs se transformaient sous l'effet du filtre que je choisissais d'y coller. Le terroriste sexy et son otage émoustillé n'avaient aucune profondeur dans ce film mais ils étaient diablement beaux. Des images fantasmées sur un écran géant. Lorsque je me repasserais ce film, la caméra s'attarderait sur le regard charmeur derrière le masque du résistant classieux, en attendant que l'otage se pâme dans ses bras en prétendant avoir peur. Ils seraient juste des beaux gosses superficiels, parfaits et lisses. On oublierait la lourdeur de leurs cœurs. On oublierait leurs sentiments dévastés. On oublierait tout ce qui faisait réellement peur...
Lazlo me repoussa faiblement et à ses paroles, je me léchai les lèvres, dans un regard fripon. « T'inquiète, je le revivrai en rêve les soirs où j'm'emmerderai dans mon lit. » J'agrandis les yeux dans un mouvement de sourcils explicite avant de retrouver un sourire plus réservé.

Le chacal serait son guide dans la nuit. C'était ce que je voulais lui promettre, avec tant de retard, une protection dans ce monde corrompu, un appui loyal pour l'empêcher de se perdre et le rassurer dans les ténèbres. A sa réponse, je soupirai contre son cou sans plus rien dire. J'aurai aimé être son co-pilote, même dans les nuits de pleine lune, j'aurai aimé l'être éternellement, mais pourtant, je savais que Lazlo n'avait pas réellement besoin de l'aide d'un chacal, fut-il un demi-dieu. En silence, je recueillis ses promesses dans un léger pouffement amusé, sans y croire un seul instant. Malgré ses mots, j'avais la conviction profonde que ce ne serait pas vers moi qu'il se tournerait s'il avait la moindre question et qu'il préférerait à juste titre se diriger vers l'un de ses autres amis ou amants... Vers quelqu'un de valeur. Probablement l'avait-il déjà fait. Et sans doute que ça valait mieux comme ça, parce que Lazlo méritait de recevoir des conseils intelligents et, contrairement à ce qu'il disait, j'étais loin d'être le mec idéal en la matière. Je me retins de lui faire remarquer qu'il ne devait pas connaître beaucoup de chacaux, ceci expliquant cela, mais mieux valait me la fermer.

Dans mon amertume, je ne pouvais m'empêcher de penser à Axl Hartley, ce mec qui avait été le seul à m'aider au début de ma malédiction. C'était lui qui m'avait expliqué ces histoires de pleine lune, qui m'avait mis au courant de l'allergie à l'argent et qui m'avait épaulé pour gérer mon angoisse. Pourtant, à l'inverse, mon propre soutien ne l'avait pas aidé à tenir le coup et Axl avait fini par se suicider, me laissant complètement bouleversé. Il m'avait laissé une lettre pour m'expliquer les raisons de son acte, m'expliquant qu'il n'aurait pas pu rester comme ça et qu'il aurait fini par faire du mal à ceux autour de lui. Il disait qu'il était désolé... qu'il espérait que je me souviendrais de lui pour les rires et pas pour ça, qu'il n'avait pas supporté l'idée d'être quelqu'un de mauvais. Axl m'avait légué son appart et une bouteille de rhum. Mais si j'avais sifflé l'alcool dans son entièreté, je n'avais jamais pu y remettre un pied dans son chalet. Parce que le simple fait de revoir le dessin débile du chacal souriant contre son mur me donnait envie de chialer autant qu'il m'avait fait rire à l'époque. Le suicide de Axl revenait souvent hanter mon esprit. Pouvait-on imaginer un acte plus désespéré ? Je n'avais pas été capable de le sauver de ses démons. Peut-être était-ce impossible de leur échapper, peut-être qu'on essayait juste de s'en convaincre mais qu'au fond, l'espoir n'existait pas.

Mais Lazlo n'était pas dépressif et solitaire comme l'était le fossoyeur. Lazlo avait des tas de gens qui tenaient à lui, il était d'un naturel optimiste et vivant, et je n'avais sans doute pas à m'inquiéter pour lui. J'aurais dû en être rassuré, alors pourquoi je me sentais aussi bizarre en l'imaginant dans les bras d'autres gars... ?

« Hmm... oui ? »

Il voulait me dire un truc et je caressai distraitement son dos pour l'encourager à parler, me forçant à m'arracher à mes pensées sombres. Après quelques secondes de battement, ses mots s'articulèrent dans un souffle et en les entendant, je crus d'abord que je beuguais. J'avais dû mal comprendre ou alors peut-être que Lazlo s'était mal exprimé ? Je n'arrivais plus à bouger, soudainement raide alors que la sueur froide me glaçait l'échine. Il me parlait d'oiseau, de millet et de terreur. Sous cet afflux brutal de stress qui me paralysait le corps et le cerveau, j'avais l'impression d'être redevenu un gamin de quatre ans, incapable de comprendre les métaphores et complètement perdu par ce qu'il me racontait. Je venais pourtant tout juste de lui faire jurer de me confier tous ses soucis et alors qu'il me prenait au mot, j'étais déjà paumé ? La loose, Mikkel. Reprend toi ! Lazlo a dit qu'il était amoureux... de... moi... ? Incapable de rétorquer quoique ce soit, je le regardai reculer alors que je sentais un tremblement désagréable m'envahir.

Le désarroi inscrit sur mon visage, je cherchai son regard qui se dérobait au mien tandis que ses cheveux glissaient contre ses joues, comme un rideau blond. La gorge nouée, je l'entendis me promettre d'arrêter, comme si c'était possible de le faire très facilement, rien qu'en appuyant sur un bouton, et je me pinçai les lèvres, dans un mélange d'incompréhension et de malaise. Pour toute réponse, je ne réussis qu'à dodeliner de la tête, mon regard toujours rivé sur lui et l'esprit déconnecté. Le rire de Lazlo ne trouva aucun écho en moi, sans doute parce que je ne m'en étais même pas aperçu, trop concentré à gérer ma propre angoisse. Je me forçais à respirer profondément et à négliger cette horrible boule douloureuse qui me compressait la gorge. Quand je lui répondis, je trouvai ma voix détestable, trop aiguë, trop écorchée. « C'est chelou mais... ah ouais, tiens. » Tiens, genre ah tiens et tu manges du millet alors ? Je me passai les mains sur le visage, les gardant un instant contre ma bouche en expirant profondément. « Attend, attend. Faut pas flipper... Euh ouais.»

Au milieu de ce stress qui me tordait si fort les entrailles que j'étais pas loin de la syncope, je m'acharnai à garder la tête froide. J'avais promis à Lazlo que je l'aiderais et qu'il pouvait tout me dire. Je devais absolument mettre mes propres émotions de coté et me concentrer sur lui. Garde la tête froide, Mikkel, la tête froide et surtout ne commence pas à te faire des films. Un conseil objectif, voilà de quoi il avait besoin. Comment on faisait ça déjà ? Peut-être que je pouvais faire comme mon psy. Quoique non, parce que mon psy couchait lui aussi avec son patient. Hmm. Ah Oui. Je devais lui offrir une écoute bienveillante et neutre, sans m'impliquer dans le problème, comme si je n'étais pas moi, mais juste un type pas concerné qui voyait la chose dans sa globalité. Avec une prise de distance. Voilà. Haha. Oui. Putain...

Lentement, je détachai mes mains crispées contre mes lèvres pour les tendre vers Lazlo avec précaution et écarter ses cheveux de son visage. « Hey... » Je cherchai toujours son regard dans ce murmure léger, le fixant de mes yeux inquiets avant de hocher gravement la tête. « T'sais, le chacal m'inspire des pensées bizarres moi aussi. Genre, j'ai léché le sang d'un cadavre un jour. J'étais sous ma forme animale et j'ai même pas réfléchi avant de le faire, pourtant c'était dégueu... J'ai aussi promis à mon grand-père de le buter et de bouffer ensuite sa charogne, t'imagines ? J'avais dit ça pour rire mais à la fois, comment dire... y'avait un genre d'instinct qui me disait que ça pourrait être cool en vrai. Ce genre de trucs, c'est hyper déconcertant, c'est clair, mais faut que tu te dises que c'est pas toi qui pense ça. Quand on rationalise, ça se passe mieux en fait. Tu te dis que c'est pas toi, que c'est juste de l'instinct, pas ta véritable intention, tu vois ?» Plus je parlais, plus je parvenais à maîtriser le ton de ma voix et à la rendre moins stressée, moins vacillante. Plus douce et presque rassurante. Je poursuivis sur le même ton, malgré les cognements de mon cœur qui battait comme un sourd, si douloureusement, ma voix entrecoupée par des inspirations hésitantes. « Pour tes émotions, c'est pareil, pareil que pour le millet. Genre tu crois que tu m'... Tu crois vraiment à ces trucs chelous, mais en réalité c'est la colombe qui est trop émotive. C'est à cause d'elle et de son symbole que tu crois ça. » J'osais pas prononcer le nom de ce foutu symbole et mes joues étaient en feu rien qu'à y penser. L'amour.

Le cerveau reptilien influençait Lazlo de façon hyper bizarre mais ça ne pouvait être que ça. Il avait toujours été  un mec sensible, généreux et bienveillant, le genre de mec chaleureux et tendre qui aimait tout le monde de manière pure et désintéressée. Il fallait croire que c'était pas uniquement à cause de sa barbe que certains tordus l'appelaient Jésus. Voilà pourquoi il aidait les autres, voilà pourquoi il s'obstinait à se battre et mettre sa vie en péril pour un monde meilleur. Alors, c'était normal que la colombe joue sur sa confusion, intensifie sa sensibilité, bouleverse ses émotions jusqu'à le faire tomber amoureux de n'importe quel chacal venu. Et le jour où il s'apercevrait qu'il s'était trompé, le jour où il me dirait qu'il est véritablement amoureux d'un autre, alors... Je fermai les yeux un moment. Ma tête me tournait et mon cœur battait si vite que si ça continuait, j'allais faire un malaise. C'était surement la fatigue... la faute à ces rêves atroces qui rendaient mon sommeil agité. Bientôt, j'allais devoir participer à cette mission suicide, sous peine de voir mon secret révélé par le maître chanteur, un secret qui concernait Lazlo à coup sûr, j'en étais persuadé. Étrangement, je ressentais maintenant l'urgence de m'y plonger comme un kamikaze, en espérant m'y brûler et m'y consumer entièrement. Dans mon angoisse, la perspective de mourir bientôt me soulageait, paradoxalement. Parce que si je disparaissais, cette horrible sensation disparaîtrait elle aussi.

« On va arrêter. »

Mes lèvres avaient articulé ces mots toutes seules d'un ton détaché, presque froid. Je ne les avais même pas prémédités qu'ils m'avaient dépassés et les prononcer me sidéra. L'enclume qui me servait de cœur me fit ployer sur mes jambes tremblantes et je me forçai à ouvrir les yeux. L'effarement s'y inscrivit avant que je ne me décide à hocher doucement la tête, comme si j'acceptais avec résignation une décision qui ne venait pas de moi. Lazlo avait pourtant raison, il fallait qu'il appuie sur ce foutu bouton et arrêter tout ça. Parce que ces faux sentiments lui faisaient du mal. Je lui avais promis mon aide pour gérer sa malédiction et c'était ce que je comptais faire. Quand je repris la parole, j'essayai d'enfermer mes propres douleurs loin, loin, tout au fond de moi. Là où personne ne pourrait jamais les trouver. Je m'essayais même à un vague sourire, aussi rassurant que possible. « Lazlo... C'est toute la situation qui trouble ton esprit, tu l'as dit toi-même, ça monte à la tête, et quand on est déjà bouleversé à cause d'une malédiction et de tous ces changements dans l'identité... c'est normal que tu saches plus ce que tu ressens. Parce que c'était pas normal de coucher avec son meilleur ami. Parce que si on continuait, on fonçait droit dans le mur. « Alors on va arrêter. De se voir.» Je venais de m'y fracasser dans ce foutu mur et j'étais tellement assommé par le choc que j'aurais pu en crever sur place. Ces dernières paroles me broyaient intérieurement. Parce que ces histoires de co-pilotes et de chasseurs de dragons m'étaient sans doute trop montées à la tête moi aussi... « J'pourrais arrêter de te toucher et de flirter avec toi, j'pourrais juste me comporter comme un ami normal...» Parce que si je continuais, alors il ne pourrait jamais se défaire de ces faux sentiments. Et ça aurait été dégueulasse de profiter de sa confusion. J'aurais voulu rester au moins son ami, lui dire que ça changerait rien et que tout pourrait redevenir comme avant mais...  Ma voix était brisée, très basse, éraillée alors que j'aurais voulu la rendre plus affirmée et solide. « Mais ça a été trop loin déjà. On n'aurait pas dû jouer à ça... »

T'aurais pas dû Lazlo, t'aurais pas dû me laisser m'attacher à toi, comme ça. Pas comme ça.

Doucement je reculai, pour rejoindre les escaliers. Il n'y avait plus de tentative de sourire, plus aucune trace de légèreté ni de joie dans mes yeux, simplement les signes d'une profonde tristesse, d'un désespoir qui se marquaient dans mon regard cerné. Un désastre annoncé, une certitude que j'avais toujours tenté d'ignorer, une peur tragique qui voyait venir sa fin fatale. C'était foutu avant de commencer. Lazlo et moi, c'était terminé. Pour toujours.

 


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MessageSujet: Re: Don't let me Down || Mikkel ♥   Don't let me Down || Mikkel ♥ EmptyVen 11 Mai - 0:42

Time

Il en avait fallu, du courage, pour dire ce genre de choses. Des années amassées d'angoisses, de craintes, des années entières à se demander si c'était une bonne idée. Il en avait fallu du temps pour récupérer des dénouer les appréhensions et les tisser dans un substrat de courage. Un fil infime, ténu, fragile.
Mais un fil qu'il avait réussi à rendre suffisamment long, suffisamment fort, pour avoir cru pouvoir s'y accrocher. Après tout, ils étaient en sécurité, sur son toit. Personne ne pouvait les toucher, pas les Hommes, pas le Gouvernement. Pas Hide, pas la milice, pas les émotions contraires. Il n'y avait qu'eux, les oiseaux dans la Volière, le coeur de Lazlo qui battait résolument trop fort et ces étincelles qu'il percevait dans les yeux de Mikkel.

La confiance. La confiance, ce n'est pas quelque chose qu'on obtient comme ça, juste parce qu'on le peut. C'est quelque chose qui s'acquiert, qui se travaille, qui se façonne pour s'adapter à tout un chacun. Toute relation de confiance n'est pas la même selon les personnes, et Lazlo en savait un rayon pour n'accorder la sienne qu'à de rares privilégiés. Il était sociable, c'était un fait. Mais de là à dire qu'il faisait autant confiance aux autres qu'en Mikkel était un pléonasme. Mikkel était Mikkel. Son ami. Son meilleur ami. Son co-pilote, celui avec lequel il affrontait tous les périls, avec lequel il avait exploré l'univers et toutes ses galaxies en toute sécurité. Avec lequel il avait pu toucher la voûte céleste du doigt sans risquer d'y perdre des plumes.
Il aurait perdu toutes ces plumes pour Mikkel. Il l'avait déjà fait, de toute évidence. Sa métamorphose, comme une seconde peau, n'était pas suffisante pour cacher la blessure qui illustrait l'étendue de cette confiance, à même son torse. Et le chacal lui promettait, là, dans leur bulle à eux, qu'ils s'en sortiraient encore, en dépit de tout.

Ca avait peut-être été idiot, en réalité. De se croire suffisamment en confiance pour articuler ces syllabes, pour traduire en mots véritables ce qu'il ressentait depuis des années. Ce fourmillement dans son estomac les premières fois qu'il avait posé son regard sur lui, le début de la fin lorsqu'il était venu le voir en prison, à New York. Les prémisses d'une fin annoncée, Lazlo l'avait toujours su. Il l'avait toujours vécu comme ça.
Cette première fois où il avait perdu pied, alors que Mikkel lui parlait de quelque chose d'aussi abstrait et inutile que la différence entre la vodka maison et la vodka industrielle. Un jour dont il se souviendrait jusqu'à sa mort. Ce n'était rien, pourtant, juste une visite à la prison, juste une entrevue avec un ami, juste une discussion pour passer le temps. Certains laissent des oranges aux prisonniers, en sortant de la petite salle étroite où le monde extérieur et le monde carcéral se rejoignent. Lazlo, lui, y avait laissé son coeur.
Ce jour-là, le temps était morne. Une de ces chutes de pression sensibles jusque dans le ciel, là où les nuages ont la couleur de la pollution. Il était déjà venu plusieurs fois, avait déjà subi les contrôles plus d'une fois, avait déjà traversé ce couloir sans âme qui menait les visiteurs au parloir. Le téléphone qui permettait la communication à travers la vitre en verre renforcé, il le connaissait par coeur. Chaque grésillement, chaque crachotement de la ligne, la manière dont il altérait la voix. Et pourtant, ce jour-là, quelque chose avait été différent. Ce jour là, alors que Mikkel parlait, il avait arrêté de réfléchir. Son regard s'était arrêté sur la fossette au creux de ses joues, à chaque fois que le Russe se remémorait de ce qui faisait le sel de ses origines. Sur l'étincelle dans son regard, la manière dont elle virevoltait dans ses iris. Une réalisation comme un choc. Comme une crise cardiaque. Juste le temps que son coeur manque un battement, et qu'il se reprenne. Et ce hoquet cardiaque, le jour où il s'était rendu compte qu'il était amoureux, il s'en souviendrait constamment.

C'était peut-être idiot, d'avoir tout dit. Parce que les mots blessent plus souvent que les actes. Les mots ne sont pas suffisants pour trahir ce qu'on ressent dans les tréfonds de son âme. Et parfois, dans les cas les plus extrêmes, les mots peuvent tuer. Alors il avait espéré, au fond. Mikkel lui avait dit, lui avait répété qu'il pouvait lui faire confiance. Qu'il pouvait lui parler de ce qui le tracassait, qu'il pouvait lui confier ses secrets.
Il avait fait le bond. Sans armure, sans filet, sans corde ni harnais. A coeur ouvert comme à son habitude, parce qu'il n'avait toujours fonctionné que comme ça.

Mais des fois, la confiance, ça ne suffit pas. L'expression de Mikkel s'était métamorphosée. Plus de fossette au creux de ses joues, plus d'étincelle au fond de ses yeux. Un visage pâle, proche de la mort, et la certitude d'avoir dépassé les bornes pour l'Oiseleur. Parce que c'était précisément le crime qu'il venait de commettre.
Le crime d'aimer. Trop fort, trop intensément. Peut-être la mauvaise personne, quand bien même Lazlo avait toujours été persuadé du contraire. Ils auraient pu s'en tenir là, ils auraient pu s'arrêter là. Après tout, Lazlo avait fini par émettre la proposition, conscient du poids de ce qu'il venait de déclarer. Caché derrière ses cheveux, paravent contre le monde, il ne respirait plus. Son corps tout entier restait en suspension, refusait tant de lever la tête que d'agiter le moindre nerf. Jusqu'à ce que lui parvienne une voix étranglée, qui acheva de le convaincre que c'était une mauvaise idée. Un soupçon d'espoir, moribond, résonna tout au fond de l'Oiseleur alors qu'il percevait la présence de son ami à côté de lui. S'intensifia bêtement alors que Mikkel repoussait ses cheveux pour capter son regard. Mais au lieu d'y lire la moindre forme de chaleur, comme quelques instants auparavant, au lieu d'y saisir la promesse aveugle qu'il lui avait faite, il n'y avait que du vide. Un néant grandissant de détresse qui menaçait de happer son ami tout entier.

Le néant. Lazlo déglutit, attiré malgré lui par le regard métallique. L'acier avait perdu sa chaleur, il n'y résonnait que la violence noble du matériau. Comme si une force intérieure avait aspiré le soleil. Il aurait pu se satisfaire de ce regard comme réponse. Après tout, il lui écorchait déjà suffisamment le coeur comme ça. Mais Mikkel était Mikkel. Mikkel, en période de trouble, se devait de parler.
Et les mots font mal. Les mots font toujours trop mal. Des lames d'acier acérées qui fendaient l'air, le gelaient, pour finalement se nicher dans son coeur. Pour arracher tout ce qu'il restait d'espoir, pour l'étouffer dans l'oeuf avant qu'il n'ait le temps de renaître. Peu importaient les histoires de chacal ou de colombe, peu importaient les promesses vaines. Peu importaient ses sentiments, puisqu'à l'entendre, ils n'existaient pas.
C'est dans ta tête, tout ça. L'Oiseleur tenta de lever ses mains pour repousser Mikkel, mais il était encore trop capté par les iris métalliques pour réussir à bouger. Chaque parole qui s'échappait des lèvres ourlées, si douces à embrasser, de Mikkel était violence. Parce que pour lui, ses sentiments n'existaient pas. Ils étaient faux, ils étaient instinctifs, ils étaient dus à sa nouvelle nature. Et si les larmes lui montaient aux yeux à mesure que son ami s'épanchait sur ses théories fumeuses, l'Oiseleur se dit qu'au final, elles non plus n'existaient probablement pas.
Cette douleur qu'il ressentait dans tout son corps, cette violence qu'il sentait faire exploser son coeur une nouvelle fois, cette envie de hurler, de vomir, de pleurer, de mourir, rien de tout ça n'existait. Parce que Mikkel le disait, tout ça, ce n'était que la Colombe.

Tout ça, le fait qu'il l'aime à en vivre, le fait qu'il soit la source même de ce qui faisait de lui ce qu'il était, ça n'existait pas. Ce n'était qu'une illusion confuse, celle d'un parasite avec lequel il devait communiquer. Mais dans ce cas, comment expliquer qu'il ait compris la source de ses propres maux depuis des années ? Avant même que le monde ne s'écroule, Lazlo savait que son monde à lui était toujours là. Que son monde à lui c'était ce mec qui lui brisait toujours plus le coeur, qui lui parlait comme s'il était un enfant à qui il fallait apprendre la différence entre l'amour et le crush. Ce mec qu'il trouvait toujours aussi beau malgré qu'il le détruise avec application.
Ce mec contre lequel il aurait aimé se réfugier pour noyer son amertume, son chagrin, ses angoisses.

Mais rien de tout ça n'existait. Rien de toutes ces années à l'observer en silence, du coin de l'oeil, et à se dire qu'il était la plus belle créature à avoir gracié cette planète. A avoir appris à le comprendre, appris à l'amadouer, appris à l'approcher petit à petit pour ne pas l'effrayer. Un enfant dans un corps d'homme, avec ses craintes et ses doutes, avec une profondeur inouïe. Mais rien de tout ça n'existait. Parce que Mikkel l'avait décidé.

Engourdi par la douleur, Lazlo ne comprit pas tout de suite le développement logique de la conversation. Enfin, dans la logique de Mikkel. Une de ces choses qu'il avait toujours trouvées si belles, chez Mikkel. Mikkel n'appartenait pas au commun des mortels, Mikkel ne fonctionnait pas comme tous les autres. Il avait sa logique propre, une sensibilité exacerbée qui sublimait celle de tout autre tant elle était la sienne. Une différence que Lazlo avait appris à comprendre, pour finalement l'aimer, elle aussi. Mais ses sentiments n'existaient pas, il l'avait déjà oublié. Ou plutôt, il ne l'avait que trop bien compris. Son coeur, lui, l'avait parfaitement compris. Tapi comme un animal blessé, au fin fond de sa cage thoracique, il avait cessé de tambouriner violemment contre les barreaux de sa prison. Pulsait juste assez de sang à son cerveau pour que Lazlo n'oublie pas de respirer.

Il aurait pu tenter de dire quelque chose. Il aurait pu, oui, mais c'était au-delà de ses forces. Et, faisant cas du silence, Mikkel avait repris la parole.

Les derniers coups. Les plus durs. Il n'était plus question de sentiments, il n'était plus question de peurs, il n'était plus question de confiance. Il n'y avait que ces mots, cette prise de décision sans appel contre laquelle l'Oiseleur savait pertinemment qu'il n'avait son mot à dire. On va arrêter.

Leur relation toute entière était une bombe à retardement, et le minuteur avait fini de compter les secondes.
Tout volait en éclats.

A quoi bon continuer de l'écouter ?

Pourquoi continuer ?

Pourquoi ?

Les larmes coulaient toutes seules, inutile de chercher à les rattraper.

Mikkel partait avec elles, mais à quoi bon ?

Il n'y avait plus de confiance.

Il n'y avait plus d'eux.

Il n'y avait plus rien.

Plus rien.

Juste l'empreinte fantomatique de la chaleur d'un mec pour qui il avait donné sa vie toute entière qui s'effaçait progressivement.

Il s'était approché trop près de l'Astre Mikkel, et tout ce qu'il lui restait, c'étaient les cendres incandescentes de tout ce qu'ils avaient construit. Il aurait dû savoir, pourtant. Icare aussi avait tout perdu en s'approcher du soleil.

Sauf que lui, il était encore lui.

Lazlo, lui, n'avait plus rien.

N'était plus rien.




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